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08/11/2009
Claude Debussy : Premier livre de Préludes – D’un cahier d’esquisses – Children’s corner – Clair de lune (extrait de la «Suite bergamasque»)

Nelson Freire (piano)
Enregistré à la Friedrich-Ebert-Halle de Hamburg (11-15 juin 2008) – 63’18
Decca 478 1111 (distribué par Universal) – Notice de présentation en français, anglais et allemand






Il n’est pas besoin de décrire longuement le parfum d’évidence renouvelée qui flotte sur ce Debussy chaudement impressionniste, souvent entendu en concert sous les doigts du pianiste brésilien. Produisant un effet comparable à l’enregistrement de La Mer par Claudio Abbado avec l’Orchestre du festival de Lucerne en 2003, ce disque de Nelson Freire, qui parvient à nous faire croire que D’un cahier d’esquisses (1903) recèle autant de richesses que les chefs-d’œuvre plus tardifs, est à marquer d’une pierre blanche dans la discographie debussyste. Concentration pudique et plénitude du son sont les maîtres mots d’une approche artistique qui ne doit rien à une passion éphémère ou à un intérêt passager pour l’univers du compositeur français. Ainsi que le raconte Olivier Bellamy dans la notice, la sensibilité de Nelson Freire pour la musique de Debussy est ancienne, remontant aux enseignements de son professeur Lucia Branco à Rio de Janeiro, qui la première l’avait mis en garde «contre la tentation de jouer trop lentement». Aux antipodes des lenteurs mythologiques d’un Claudio Arrau, le «Clair de lune» de Freire, troisième mouvement de la Suite bergamasque (1905), resplendit de cette fraicheur alerte qui ne néglige pas l’émotion, de même que chaque pièce de Children’s corner (1908) trouve une voie d’évidence entre vélocité et sensibilité.


C’est toute une science du piano qui baigne de soleil et de vapeurs les Préludes du Premier livre (1910) : pas de grandiloquence ni de certitudes péremptoires dans le toucher ou, devrait-on dire, dans l’effleuré de ce jeu magique. «Le vent dans la plaine» s’anime, fouetté par une pédale savamment dosée et par une main gauche ivre de rythme, cette même main gauche qui soulève les «Voiles» comme sous l’emprise d’une saoule grivoiserie. Car Nelson Freire le reconnaît : «Debussy réveille un jeu de séduction entre le piano et moi»… Et dans ce jeu, l’artiste ne triche jamais avec l’esprit des partitions et les prescriptions du compositeur. «Lentement et gravement», les accords initiaux des «Danseuses de Delphes» sont posés sur le clavier comme de mystérieux blocs d’ivoire. Nelson Freire sait également se faire «très calme et doucement expressif» dans «La Fille aux cheveux de lin» – dont la grâce n’a jamais semblé si pudique –, «animé et tumultueux» dans «Ce qu’a vu le vent d’ouest» – les doigts comme secoués par une transe obsessionnelle qui évoque la folie de Scarbo et se transforme dans «Minstrels» en un polichinelle ivre de doigté, articulé par le génie –, irrémédiablement «triste et lent» dans «Des pas sur la neige» (peut-être le sommet de ce disque) – dosant si intelligemment la montée en puissance jusqu’à se perdre dans l’immensité des registres extrêmes : musique bouleversante qui donne le frisson. Où le pianiste brésilien va-t-il chercher cette profondeur du doigté, ce geste auguste qui demeure pourtant «profondément calme» dans «La Cathédrale engloutie» ? On s’incline devant ce prodigieux mystère et, en l’occurrence, devant ce disque de référence.


Le site de Nelson Freire


Gilles d’Heyres

 

 

 

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