|
Back
07/15/2009
Thierry Machuel : Un étranger avec, sous le bras, un livre de petit format, opus 27 – La Parure éphémère, opus 41 – Under en sten, opus 21 – The Invisible Kingdom, opus 33 – Elégies romanes, opus 28
Annie Baud-Kaltenbach, Thierry Machuel (récitants), Solistes du chœur Mikrokosmos, Loïc Pierre (direction)
Enregistré à Villefavard (août 2006) – 58’33
Label inconnu LI 09-0301 (distribué par Codæx)
Ayant choisi de se consacrer presque exclusivement au répertoire choral, Thierry Machuel (né en 1962) occupe une place à part dans la musique de notre temps. Familiers de son univers, les dix-huit solistes du chœur Mikrokosmos, dirigés par son fondateur Loïc Pierre, ont enregistré ici une anthologie de pages récentes intitulée «Sur la terre simple», comme la quatrième des cinq Elégies romanes (2003) pour seize voix mixtes. Sur son site, le compositeur répertorie ses œuvres par thème (voir ici): si «Joie» et «Espoir» arrivent en bonne place, ce sont néanmoins «Mort, Passage» et «Souffrance» qui viennent en tête. Tel est précisément le sens qu’il convient de donner à ce disque, ainsi que l’explique la notice de Jean-Luc et Emilie Tamby Yaouancq (en anglais et en français): «c’est au creux même de [l’]existence, dans sa fragilité et se temporalité, que la musique rencontre la mort, non pas dans un mouvement de transcendance, mais de descente vers la concrétude».
En témoignent d’emblée, les mots «Je n’ai de certitude qu’un cœur qui bat et qui, bientôt, ne battra plus» qui, tel un refrain, reviennent dans Un étranger avec, sous le bras, un livre de petit format (2004) pour douze voix mixtes, où alternent et s’enchevêtrent un poème en français d’Edmond Jabès (1912-1991) et sa traduction en espagnol par José Angel Valente (1929-2000). De même, sur des textes de l’Anglaise Kathleen Raine (1908-1999), Le Royaume invisible (2004), pour chœur de femmes à quatre voix, constitue un hommage à la pianiste Marie Desmoulin (1966-2003), s’ouvrant sur une ronde immémoriale («Spell of creation») et poursuivant dans un esprit à la fois populaire et intemporel, presque enfantin pour conclure («Change»).
En moins de dix minutes, Sous une pierre (2003) pour chœur de chambre à six voix, sur un poème de la Danoise Inger Christensen (née en 1935), offre comme un condensé du style et de l’écriture de Thierry Machuel: la recherche de sonorités instrumentales ne remet jamais en cause l’intelligibilité du texte, le collectif laisse émerger des soli, l’unisson fait bon ménage avec les entrelacs les plus serrés, la consonance avec la dissonance, la violence («Tension») avec l’extase («Amour»), la retenue expressive avec la séduction sonore. Quant au recours aux formes traditionnelles, tel le canon dans «A ce flocon», deuxième des quatre parties de La Parure éphémère (2006) pour six voix mixtes et deux récitants (dont le compositeur lui-même) sur un texte d’Yves Bonnefoy (né en 1925), il n’est pas un prétexte au retour en arrière ou à l’imitation.
Autre caractéristique, évidente et même revendiquée: une vaste palette linguistique, à laquelle rend justice la reproduction de tous les textes chantés en langue originale ainsi que, le cas échéant, de leur traduction française et anglaise. Panachant portugais, français, roumain, italien et espagnol, les Elégies romanes, emblématiques de cette ouverture sur le monde, saisissent par leur densité harmonique et poétique.
Le site de Thierry Machuel
Le site de Mikrokosmos
Simon Corley
|
