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06/30/2009
Giuseppe Verdi : Otello

Mario del Monaco (Otello), Renata Tebaldi (Desdemona), Aldo Protti (Iago), Nello Romanato (Cassio), Ana Raquel Satre (Emilia), Fernando Corena (Lodovico), Tom Krause (Montano), Athos Cesarini (Roderigo), Libero Arbace (Un Maure), Wiener Kinderchor, Wiener Staatsopernchor, Roberto Benaglio (chef des chœurs), Wiener Philharmoniker, Herbert von Karajan (direction)
Enregistré à la Sofiensaal, Vienne (mai 1961) – 144’17
Album de deux disques Legendary recordings (The Originals)/Decca 475 9984 (distribué par Universal) – Synopsis trilingue (anglais, français, allemand) et version bilingue des textes chantés (italien, anglais)






Plus que jamais, le qualificatif de legendary recording mérite son nom tant cette gravure fut, dès sa sortie, saluée comme une incontestable réussite supervisée par les deux célèbres producteurs de la firme Decca, John Culshaw et Christopher Raeburn. Par ailleurs, il est vrai que Herbert von Karajan (1908-1989) a toujours apprécié cet opéra qu’il avait notamment dirigé en janvier 1938 alors qu’il était encore jeune chef d’orchestre à Aachen. Lorsqu’il fut nommé directeur de l’Opéra de Vienne, il eut à cœur de le programmer rapidement, le donnant en langue originale (option révolutionnaire pour l’époque !), poursuivant par là même sa fructueuse collaboration avec les équipes de la Scala. Ainsi, dès sa première saison, Karajan dirigea Otello le 15 avril 1957 dans une mise en scène de Wilhelm Reinking. Del Monaco tenait le rôle-titre, Leonie Rysanek chantait celui de Desdémone (après avoir incarné quelques jours auparavant Sieglinde dans Die Walküre toujours sous la direction de Karajan), Anselmo Colzani celui de Iago (initialement dévolu à Ettore Bastianini mais celui-ci ne parvint jamais à apprendre le rôle…) et Giuseppe Zampieri chantait le personnage de Cassio. Karajan reprit cet opéra en avril 1958 avec, cette fois-ci, Tito Gobbi (Otello), Renata Tebaldi (Desdémone) et le ténor argentin Carlos Guichandut (Iago). Enfin, on mentionnera les gravures ultérieures effectuées un peu plus d’une décennie plus tard (tant pour le disque que pour la vidéo) dans la foulée des représentations données au festival de Salzbourg en août 1970 avec Jon Vickers (Otello), Mirella Freni (Desdémone) et Peter Glossop (Iago), l’enregistrement « live » étant disponible chez Opera d’Oro.


Mario del Monaco (1915-1982) est ici dans un de ses plus grands rôles, au disque comme à la scène (il aurait incarné le héros shakespearien à plus de 420 reprises au cours de sa carrière !). Campant un Otello plein de force (quelle présence animale dans son air « Abasso le spade » au premier acte !) et de fougue (l’air conclusif du deuxième acte, « Si, pel ciel marmoreo giuro ! »), Del Monaco s’avère extraordinaire de bout en bout, qu’il chante seul ou en compagnie d’autres protagonistes (notamment son duo passionné avec Desdémone à la fin du premier acte). Il incarne le héros dans toute sa complexité psychologique, allant du courage guerrier au désespoir amoureux, de la douceur intimiste à la violence la plus barbare… A ses côtés, Desdémone et Iago s’avèrent quelque peu inégaux. Renata Tebaldi n’est pas toujours à son aise dans un rôle qu’elle connaît pourtant bien pour l’avoir, au moment de l’enregistrement, déjà incarné à maintes reprises. Certes, certains passages sont à couper le souffle (son duo avec Otello au troisième acte, « Dio ti giocondi, o sposo », ou son air « Piangea cantando nell’erma landa » au quatrième acte dans lequel, accompagnée par une musique d’une délicatesse inouïe, elle se souvient de l’air mélancolique qu’avait l’habitude de fredonner la servante de sa propre mère), mais elle paraît éprouver quelque difficulté à se situer dans un opéra qui est, avant tout, un monde d’hommes. A ce titre, Aldo Protti est lui aussi un formidable personnage. La voix est parfois un peu tendue (cela s’entend, par exemple, dans son « Era la notte, Cassio dormia » à l’acte II), à la limite de la rupture mais, pour quelques faiblesses, que d’incandescence ! Protti nous subjugue en plus d’une occasion (à l’acte II dans l’air « Ciò m’accora » ou dans ses duos avec Otello au même acte) et révèle de véritables talents d’acteur : chantant d’égal à égal avec Otello, il contribue pleinement à la réussite de cet enregistrement. Les autres personnages sont eux aussi parfaitement incarnés, à commencer par la douce Emilia (Ana Raquel Satre), et les chœurs (irréprochables) prennent une juste part à la réussite de l’ensemble.


Mais la véritable vedette de cet opéra, et plus encore de cette gravure, demeure sans conteste l’orchestre. Encore une fois, Verdi a particulièrement soigné une partition qui recèle mille et une richesses, allant du superbe ballet du troisième acte (piccolo et tambourin instaurant une atmosphère de bazar oriental) au magnifique solo de violoncelle au début de l’air d’Otello « Già nella notte densa » à la fin du premier acte (procédé que Verdi avait déjà utilisé au troisième acte de Don Carlos dans le grand air de Philippe II). Les exemples peuvent être multipliés à l’envi. Que dire ici si ce n’est que l’Orchestre philharmonique de Vienne est capable de toutes les audaces, dirigé avec finesse et puissance par un Karajan des grands jours ? L’émerveillement est constant.


Au total, il s’agit d’une réédition qui, bien que concurrencée par d’autres excellentes versions (on pense à la fantastique gravure dirigée par Tullio Serafin chez RCA), demeure une incontestable réussite avec un plateau de légende. Ne faisons pas la fine bouche : qui peut nous offrir cela aujourd’hui ?


Sébastien Gauthier

 

 

 

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