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03/23/2009
De Profundis
Nikolaus Bruhns: De Profundis – Der Herr hat seinen Stuhl
Dietrich Becker: Pavan à 5 – Sonata a 3
Franz Tunder: O Jesu dulcissime – Da mihi Domine
Dietrich Buxtehude: Ich bin eine Blume zu Saron
Johann Christoph Bach: Lamento “Wie bist du denn o Gott”

Stephan MacLeod (basse), François Fernandez (violon, violon piccolo), Ricercar Consort, Philippe Pierlot (viole de gambe et direction)
Enregistré à Saint-Loup-sur-Thouet, Deux-Sèvres (mars 2007) – 67’
Mirare MIR 041 (distribué par Harmonia mundi) – Notice et traduction trilingues (français, anglais et allemand) de Philippe Pierlot, Stephan MacLeod et François Fernandez






La splendide peinture de Gerrit Dou (1613-1675) qui figure sur la couverture, Vieillard examinant un globe (également connue sous le nom de L’Astronome) ne reflète qu’en partie l’atmosphère dégagée par le programme de ce nouveau disque édité chez Mirare. Certes, la musique religieuse du baroque médian (1650-1700) peut facilement être austère, marquée tant par le culte protestant que par les souvenirs encore douloureux de la guerre de Trente ans qui ne s’est achevée qu’en 1648 avec la signature du traité de Westphalie. Mais, comme on va le voir, la joie n’est pas absente et nombre de compositeurs s’en sont souvenu. Comme l’explique très bien Gilles Cantagrel dans un ouvrage récent (De Schütz à Bach, la musique du Baroque en Allemagne publié chez Fayard), la musique religieuse prit en effet un véritable essor à cette époque car “le chant amplifie la prolifération de la prière, il est la prière deux fois dite [par le sens des paroles et par la vertu des sons], et en commun. Aux paroles exprimées dans le chant, la musique apporte son pouvoir sur les passions humaines, sa vertu purificatrice et sa transcendance”. C’est donc dans ce contexte qu’il faut écouter et apprécier le présent disque.


Nikolaus Bruhns est né en 1665 à Schwabstedt (au nord de Hambourg) ; avec un grand-père luthiste, un père et un oncle organistes et violonistes, pouvait-il faire autre chose qu’une carrière de musicien ? Elève du grand Buxtehude, recommandé par ce dernier auprès de la cour de Copenhague, le jeune Bruhns revient pourtant dans sa région natale pour servir comme organiste à l’église de Husum où il décède précocement en mars 1697. Il laisse derrière lui un grand nombre d’œuvres destinées à l’orgue mais également de pièces pour voix de basse et de ténor. Le De Profundis qu’il nous est ici donné d’entendre frappe en premier lieu par son dépouillement : après une superbe introduction instrumentale lancée par le son plein des orgues de l’église de Saint-Loup-sur-Thouet (quelle différence avec le son étriqué d’un simple orgue positif comme on a trop l’habitude de l’entendre !), la voix profonde et recueillie de Stephan MacLeod entame sa louange au Seigneur. D’abord plaintive (De profundis clamavi ad te domine c’est-à-dire “Des profondeurs, je crie vers toi, Seigneur”), la déclamation prend soudainement des accents joyeux (Domine exaudi vocem meam, ‘‘Seigneur, Seigneur, écoute mon appel”). A ces différents climats correspond d’ailleurs un instrumentarium différent, orgue et viole dans les passages graves, domination du jeu des deux violons dans ceux où règne l’allégresse… En outre, et le rythme imposé par Philippe Pierlot l’illustre à merveille, on peut percevoir avec curiosité l’influence italienne qui, à travers les Alpes, a pu instiller quelques sonorités spécifiques au sein d’une musique qui en était traditionnellement exempte (l’Egisto de Cavalli n’est pas loin…). Le second morceau de Nikolaus Bruhns, Der Herr hat seinen Stuhl (“Le Seigneur a établi son trône dans les cieux”), est un hymne à la gloire de Dieu et à son omnipotence. D’esprit plutôt festif, le violon et le violoncelle multiplient les fioritures à l’image de la voix éclatante de Stephan MacLeod qui, chantant non plus en latin mais en allemand, témoigne d’une technique remarquable.


On connaît peu de choses sur Dietrich Becker (1623-1679). Vraisemblablement organiste, il s’installe à Hambourg à partir de 1662 où il devient Maître de Chapelle ; c’est également dans cette ville qu’il fait éditer ses recueils instrumentaux, notamment ses Musikalische Frühlings-Früchte (“Fruits musicaux printaniers”), pour l’essentiel des sonates destinées à quatre violons et deux violes de gambe. Philippe Pierlot et ses amis interprètent ici la Pavan a 5 principalement dédiée aux violons et violes mais qui fait également participer la basse continue assurée par l’orgue et le théorbe. Cette pièce n’appelle pas de commentaire particulier, contrairement à la Sonata a 3, aux motifs fugués et à la mélodie souvent nonchalante : là encore, de quoi tordre le cou aux idées reçues selon lesquelles la musique de cette époque ne serait que tristesse et noirceur.


Franz Tunder (1614-1667) bénéficie d’un peu plus de notoriété. Organiste de la cour à Gottorf de 1632 à 1641, il fut ensuite organiste à la Marienkirche de Lubeck. Il est surtout connu pour avoir donné des concerts à l’attention des marchands de la ville durant la période de l’Avent (les quatre semaines qui précèdent Noël) comportant des pièces allemandes pour orgue et des morceaux orchestraux d’inspiration italienne : ce sont les célèbres Abendmusiken qui virent le jour en 1646 et que Buxtehude, son gendre, perpétuera par la suite. Stephan MacLeod interprète ici deux airs de Tunder : O Jesu dulcissime, demandant au Seigneur de prendre l’homme sous son aile afin que celui-ci ne soit pas perdu contrairement à ce qui lui arriverait s’il était livré à lui-même, et Da mihi Domine. Plus de la moitié du premier air, dont l’ascension émotionnelle et musicale s’avère tout à fait remarquable, est réduite à la déclamation, sous des formes variées, du premier vers “O, Jesu dulcissime, creator generis humani” dans une atmosphère recueillie. Le reste s’avère en revanche plus jovial, les musiciens bénéficiant d’une partition moins statique, le morceau culminant dans un Alleluia conclusif définitivement joyeux. Le second air, en revanche, n’est qu’une vaste complainte dont MacLeod fait sobrement ressortir la dimension implorante et miséricordieuse.


Dietrich Buxtehude (1637-1707) est certainement la figure-phare de ce disque. Organiste de formation, ayant vraisemblablement suivi les enseignements de son père Johann, il est, de 1668 à sa mort, organiste de la Marienkirche de Lubeck, succédant ainsi à Franz Tunder dont il épouse d’ailleurs la fille, Anna Margaret, le 3 août 1668. Auteur prolifique, il compose la pièce Ich bin eine Blume zu Saron, inspirée du Cantique des cantiques, pour une voix de basse, là encore accompagnée a minima par quelques instrumentistes. A la fois sensuel (n’oublions pas que les paroles chantées sont des paroles d’amour…) et recueilli, ce morceau permet à Stephan MacLeod de faire encore une fois montre de tous ses talents.


Peut-on conclure un tel disque sans parler de Bach ? Certes, on aurait pu insister sur l’influence et le discours que tous ces compositeurs ont instillés au futur Cantor, mais Philippe Pierlot et les siens ont préféré rendre hommage à… Johann Christoph Bach (1642-1703), l’oncle de Johann Sebastian. Compositeur de très grand talent, admiré par son neveu, il a laissé une œuvre abondante dont on peut entendre ici le Lamento “Wie bist du denn o Gott”. Là encore, les artistes n’appellent que les plus vifs éloges, parvenant notamment à parfaitement négocier les ruptures dans le ton et le rythme : un plaisir total !


Le site du Ricercar consort


Sébastien Gauthier

 

 

 

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