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03/16/2009 Gustav Mahler : Symphonie n° 4 en sol majeur
Luba Orgonásová (soprano), Tonhalle-Orchester Zürich, David Zinman (direction)
Enregistré à la Tonhalle de Zurich (13-15 novembre 2006) – 57’21
Disque RCA Read Seal 88697 16852 2 (distribué par Sony BMG) – Notice trilingue (allemand, anglais et français) de Thomas Meyer
Même si les prémisses de la plus printanière de ses symphonies remontent à 1892, ce n’est qu’en juillet 1899 que Gustav Mahler (1860-1911) se lance effectivement dans la composition de ce qui allait devenir son quatrième opus en la matière. Après avoir jeté sur le papier quelques esquisses, son retour à la fin de l’été à l’Opéra de Vienne suspend son travail, qu’il achève néanmoins en quelques semaines au début du mois d’août 1900, preuve qu’il n’avait qu’à coucher sur la partition des mélodies dores et déjà finalisées dans son esprit. Succédant à deux immenses compositions (les Deuxième et Troisième symphonies) qui, en raison tant des effectifs requis que de la problématique véhiculée, qui concerne aussi bien la place de l’homme sur terre que dans l’au-delà, la Quatrième symphonie se veut plus modeste, sa durée ne dépassant d’ailleurs généralement pas l’heure. Mahler n’a pas voulu, dans cette œuvre, refaire le monde. Tout juste a-t-il souhaité la conclure par un hymne au paradis céleste, incarné par une voix féminine qu’il souhaitait lui-même « joyeuse et enfantine, tout à fait dépourvue de parodie ».
Poursuivant une intégrale de haute qualité (voir ici), David Zinman et l’excellent Orchestre de la Tonhalle de Zurich donnent ici une belle version de la Quatrième symphonie mais, qui, en plus d’une occasion, laisse un peu l’auditeur sur sa faim.
Le premier mouvement, Bedächtig. Nicht eilen. Recht gemächlich, est abordé avec une grâce infinie et permet aux solistes de l’orchestre de briller immédiatement (clarinettes, flûtes, cors…). Malheureusement, le côté alangui, voire bonhomme et quelque peu pataud, de la partition est abordé de façon exagérée ce qui, in fine, suscite l’ennui. L’ampleur des pupitres de cordes est certes appréciable mais où sont le sarcasme du cor solo et les minauderies des violons ? De même, le second mouvement, In gemächlicher Bewegung, qui se veut grinçant et grimaçant (en raison notamment du violon solo volontairement désaccordé grâce à des cordes accordées un ton plus haut), apparaît-il trop beau : pourtant, n’est-il pas censé incarner Fiedel (dont le nom n’est autre que celui de la « vièle », bientôt détrônée chez les musiciens par la viole), héros moyenâgeux, allégorie de la mort dans les danses macabres médiévales ? Encore une fois, on ne peut qu’admirer chacun des solistes, tous impeccables (clarinette en mi bémol, cor, pupitre de contrebasses…), mais l’image générale renvoie davantage à la somptueuse quiétude du dernier mouvement de la Troisième symphonie qu’à une ronde satanique !
Compte tenu des remarques précédemment faites, il va de soi que le mouvement lent, Ruhevoll (poco adagio) est le plus réussi du disque. Mahler déploie ici, dans la veine de ce qu’il avait déjà réussi avec merveille dans sa précédente symphonie, un tapis de cordes qui instille une atmosphère spécifique, et dont la tonalité ne change qu’en raison de l’apparition d’un hautbois solitaire, suspendu dans l’air comme une image à mi chemin entre le monde réel et l’au-delà. Zinman conduit son orchestre avec une maîtrise impressionnante, laissant du temps aux notes pour s’épanouir pleinement, jouant avec les résonances et les silences : la sérénité et la tristesse cohabitent avec une grâce confondante. L’écho du cor donné aux interventions de la harpe, de même que la participation du cor anglais ou des percussions dans la section centrale du mouvement, sont autant de moments admirables. La voie est donc toute tracée pour que David Zinman nous emmène enfin vers le quatrième mouvement (Sehr behaglich), porté par la voix splendide de Luba Orgonásová. Sa déclamation est idéale pour rappeler à l’auditeur que Wir geniessen die himmlischen Freuden (« Nous partageons les plaisir célestes ») mais l’accompagnement orchestral, qui reprend en partie les thèmes développés dans la Troisième symphonie, manque de nouveau de fantaisie.
Ce nouveau jalon de l’intégrale mahlérienne conduite par Zinman, d’excellente facture, en raison d’un manque de folie et de prise de risques, ne bouleverse donc pas une discographie abondante (plus de 160 versions au catalogue !) toujours dominée par Walter (avec Irmgard Seefried et le Philharmonique de Vienne), Haitink (avec Roberta Alexander) et Boulez (avec Juliane Banse).
Le site de David Zinman
Sébastien Gauthier
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