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01/26/2009
Johann Sebastian Bach : Préludes et fugues n° 2 en ut mineur, BWV 847, et n° 4 en ut dièse mineur, BWV 849 (extraits du Premier livre du Clavier bien tempéré) – Préludes et fugues n° 6 en ré mineur, BWV 875, n° 9 en mi majeur, BWV 878, et n° 20 en la mineur, BWV 889 (extraits du Second livre du Clavier bien tempéré) – Concerto pour piano et orchestre n° 1 en ré mineur BWV 1052 – Chaconne de la Partita pour violon seul n° 2 en ré mineur, BWV 1004 (arrangement Ferruccio Busoni) – Prélude et fugue en la mineur, BWV 543 (arrangement Franz Liszt) – Prélude de la Partita pour violon seul n° 3 en mi majeur, BWV 1006 (arrangement Serge Rachmaninov)

Hélène Grimaud (piano), Die Deutsche Kammerphilharmonie Bremen, Florian Donderer (direction)
Enregistré à Berlin (Friedrich-Hebert-Halle, mai 2008 [Concerto], et Funkhaus, août 2008) – 76’02
Deutsche Grammophon 00289 477 7978 (distribué par Universal)






Qui n’en a entendu parler ? Qui n’a pas vu, dans le moindre magasin censé vendre des disques, ce nouvel opus de « la pianiste aux loups » ? Toutes les revues musicales, tous les journaux grand public, voire « people », ont abondamment parlé de cette première rencontre officielle entre la belle Hélène Grimaud, exemple type du star-system de la musique classique, et Jean-Sébastien Bach (1685-1750). Force est de constater qu’il est toujours délicat d’appréhender un tel produit lorsque l’interprète est à ce point sujette à controverses, adulée par les uns, honnie par les autres : au-delà de tout préjugé, l’écoute laisse effectivement sur sa faim puisque ce disque est capable de vous emporter un matin et de vous laisser totalement indifférent le lendemain…


Les deux livres du Clavier bien tempéré constituent bien évidemment un des sommets de la littérature pianistique. Cet ensemble de quarante-huit préludes et fugues « dans tous les tons et demi-tons » avait notamment pour but de prouver que tous les instruments, y compris ceux à son fixe, pouvaient bénéficier d’une palette sonore tout à fait exceptionnelle. Le Premier Livre (BWV 846 à BWV 869) date des années 1722-1723 ; Hélène Grimaud en joue ici deux extraits, les Préludes et fugues n° 2 et 4. La technique est époustouflante (la vitesse du Prélude n° 2 est notamment incroyable sans que cela nuise pour autant à sa musicalité) et, cela s’entend à chaque note, les pièces ont été mûrement réfléchies et travaillées (on n’ose dire intellectualisées) avant d’être enregistrées. Or, c’est ici qu’interviennent les premières interrogations : où sont la simplicité et le naturel de la partition ? N’y a-t-il pas là trop d’intentions ? On peut se le demander lorsqu’on perçoit ici quelques ralentis, là quelques variations de nuances, qui ne servent pas forcément au mieux le discours du piano. Le Prélude et fugue n° 4 frappe au contraire par sa retenue et sa singulière noblesse même si, Edwin Fischer et Glenn Gould hier, Vladimir Ashkenazy aujourd’hui (dans sa mémorable intégrale publiée il y a quelques années chez Decca), sont allés plus loin dans l’introspection en livrant un discours tout aussi séduisant.


Le Concerto pour clavier et orchestre BWV 1052 daterait de 1729, sans que l’on soit bien certain de l’année de composition. Initialement destiné au violon voire à la viole de gambe, il s’agit d’un concerto aux forts accents italiens au point qu’on a pu, un temps, l’attribuer à Antonio Vivaldi. Ici encore, notre opinion balance : certes, Hélène Grimaud joue avec une belle conviction (on soulignera notamment la délicatesse de sa main droite où l’effleurement des touches fait merveille) mais elle fait parfois preuve, à l’image de l’orchestre conduit avec vivacité par le jeune chef Florian Donderer, d’une certaine raideur qui brise à plusieurs reprises l’harmonie dans laquelle l’auditeur s’était doucement laissé emporter.


Le Second Livre du Clavier bien tempéré regroupe, lui aussi, vingt-quatre pièces (BWV 870 à BWV 893). Datant officiellement de 1744, il a vraisemblablement été composé antérieurement en deux phases, 1738-1739 pour l’une, 1742-1743 pour l’autre. Comme dans les extraits du Premier Livre, douceur du toucher et plénitude du son se mêlent à un certain détachement qui, même si tel n’est peut-être pas le cas en vérité, confine à une certaine indifférence à l’égard de la partition (l’écoute du Prélude BWV 889 s’avère assez illustratif de ce point de vue). On exceptera néanmoins le Prélude et fugue n° 9 qui est magnifique : le discours avance sans précipitation, les deux mains dialoguent harmonieusement et font preuve de la plus belle simplicité qui soit.


Le reste du disque est consacré à trois transcriptions réalisées respectivement par Ferruccio Busoni (1866-1924), Franz Liszt (1811-1886) et Sergei Rachmaninov (1873-1943). La transcription de la célébrissime Chaconne tirée de la Deuxième partita pour violon seul est caractéristique d’une partie de l’œuvre de Busoni qui, s’inspirant fortement des grands maîtres du passé, a pu ainsi être qualifié de père du néoclassicisme musical. Cette page majeure du génie de Jean-Sébastien Bach trouve ici un de ses nombreux avatars puisqu’elle connaît également, entre autres, une version pour piano (main gauche) réalisée par Johannes Brahms ainsi que plusieurs versions pour orchestre (réalisées respectivement par Leopold Stokowski, Xavier Montsalvatage ou par le chef d’orchestre et pédagogue japonais Hideo Saito). Hélène Grimaud affirme, dans la notice accompagnant le disque, que « la Chaconne figurait dès le départ au cœur de ce programme, sa présence était pour moi une évidence » ; vu cet engouement, on pouvait s’attendre à une version magnifique de l’œuvre. Tel est le cas. Le mystère et la tristesse de la partition (Bach l’aurait composée à la mémoire de sa première femme, Maria Barbara) sont abordés avec une immense retenue, l’interprète s’effaçant avec gravité devant cette musique qui, se suffisant à elle-même, ne requiert aucun artifice et ne demande surtout aucun sentimentalisme.


Liszt a transcrit le Prélude et fugue en la mineur BWV 543 pour orgue. Ce n’est pas le seul essai du compositeur hongrois : celui-ci, dans le désir de mettre à la portée de tous les grands compositeurs du passé, retranscrivit notamment des extraits de cantates (Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen, BWV 12 et Ich hatte viel Bekümmernis, BWV 21, par exemple) et de plusieurs Préludes et fugues. En l’espèce, la partition originelle est agrémentée de perles techniques et emprunt d’une plus grande dramaturgie propres à l’époque et au génie de Liszt. Hélène Grimaud se jette à corps perdu dans cette partition redoutable où les rapides gammes ascendantes se voient parfois entrecoupées de quelques mesures emplies de sérénité. Quant à Rachmaninov, il a arrangé le Prélude de la Troisième partita pour violon seul. Bien que soigneusement interprétée, elle possède ici beaucoup moins de vie et de chair que dans la version historique, gravée en juin 1973 par Jorge Bolet.


Aussi, compte tenu des plaisirs variables que procure ce disque, on choisira de le conseiller en priorité aux seuls admirateurs d’Hélène Grimaud ce qui, vu leur nombre, devrait déjà concerner de très nombreux mélomanes.


Le site d’Hélène Grimaud
Le site de l’album


Sébastien Gauthier

 

 

 

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