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01/13/2009 Johann Sebastian Bach : Suite anglaise n° 2, BWV 807 – Largo, extrait de la Sonate en trio n° 5, BWV 526 (transcription Samuel Feinberg)
Frédéric Chopin : Ballade n° 2, opus 38 – Nocturne, opus 15 n° 1
Maurice Ravel : La Valse – Menuet antique
Franz Liszt : Sonate en si mineur
Igor Stravinsky : Etude en fa dièse majeur, opus 7 n° 4
Jean-Frédéric Neuburger : Bagatelle
Jean-Frédéric Neuburger (piano)
Enregistré en public au Suntory Hall de Tokyo (17 novembre 2007) – 57’08
Album de deux disques Mirare MIR 060 (distribué par Harmonia mundi) – Notice de présentation en français, anglais et japonais
Voici un disque enthousiasmant, qui témoigne d’un concert – sans retouches apparentes – donné par Jean-Frédéric Neuburger dans le splendide Suntory Hall de Tokyo. En ressort, d’abord et avant tout, une interprétation franchement aboutie de la Sonate en si mineur de Liszt : habilement pensée, très bien construite, on y admire la gestion des tempos comme la hiérarchisation du discours. On y ressent aussi une grande fraîcheur et une fougue qui sonne, tonitruante, comme un gage de renouveau. L’Allegro energico notamment, ponctué de traits brillants et des sorties éclatantes, donne le tournis.
Tout aussi réussie est la première partie de ce récital, qui permet au pianiste de faire montre d’une grande variété de styles. Elle s’ouvre par une Deuxième suite anglaise de Bach reposant sur un mouvement métronomique mais vivant : la rareté des nuances (sinon, par contraste, dans une «Sarabande» devenant le cœur de l’œuvre) ne fait nullement obstacle à la construction d’une interprétation habitée et intense, dansante et vive, débordante de joie jusqu’à l’explosion finale de la «Gigue». Deux pièces en fa majeur de Chopin sont enchaînées : la Deuxième ballade est prise dans un tempo fou qui n’oublie pourtant ni la maîtrise du legato ni la tenue du style. Neuburger parvient admirablement à contenir les chutes de tension… malheureusement perceptibles dans le Nocturne opus 15 n° 1 qui suit. Enfin, La Valse de Ravel vient brillamment faire entendre son geste entraînant et vénéneux, servie par les remarquables moyens techniques du pianiste, lequel réussit à doser habilement humour et mystère et à mettre le feu aux dernières pages de l’œuvre.
Le concert est conclu par quatre bis, intéressants mais qui ne se situent pas au même niveau : un franc et direct Menuet antique de Ravel, une Etude en fa dièse majeur de Stravinsky, endiablée mais un peu précipitée aussi, le «Largo» serein de la Cinquième sonate en trio de Bach, ainsi qu’une lisse Bagatelle composée par l’interprète, de style très fauréen et dont la notice précise qu’elle doit «à Keith Jarrett et Stevie Wonder autant qu’à Fauré». Mais ce n’est évidemment pas par ces bis que l’on jugera le pianiste. Disque après disque, récital après récital, le jeune Français continue d’impressionner par ses facilités techniques et sa maîtrise du répertoire. Toutefois, il faut désormais se rendre à une autre évidence : l’interprète mûrit et l’attention de l’auditeur se porte moins sur le caractère précoce des talents (exceptionnels) du soliste né en décembre 1986, pour appréhender pleinement le message de l’artiste sans considération de son âge. On souhaite ainsi à Jean-Frédéric Neuburger le même développement de carrière que Nicholas Angelich, qui a su passer du statut de jeune prodige à celui d’artiste accompli… et a également été publié chez Mirare.
Gilles d’Heyres
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