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01/13/2009 Frédéric Chopin : Ballade, opus 38 – Mazurkas, opus 33 – Valses, opus 34 – Impromptu n° 2, opus 36 – Sonate pour piano n° 2, opus 35
Maurizio Pollini (piano)
Enregistré à la Herkulessaal de Munich (mars 2008) – 57’08
Deutsche Grammophon 477 7626 (distribué par Universal) – Notice de présentation en français, anglais, allemand et italien
Chopin par Pollini… une vieille rengaine ? Certes, il y a toujours ce style mûr, viril, aristocratique presque. Ce CD n’en doublonnera pourtant aucun autre. Et si l’on ajoute que l’instrument est superbe, la notice remarquable, la prise de son exceptionnelle et que l’écoute au casque – qui n’occulte rien des respirations de l’interprète – permet de vivre avec plus d’intensité encore ce récital de studio… le bonheur semble vraiment total. Entendre chanter Maurizio Pollini (né en 1942) pour accompagner les premières notes de la Valse en la bémol majeur, par ailleurs interprétée avec la ferveur d’un chevau-léger polonais, est probablement de nature à bouleverser cette image de froideur distante et d’objectivité austère qui colle à la peau de ce géant du piano.
On peut donc se contenter d’une critique assez brève pour décrire ce disque majuscule, dont l’évidence frappe l’oreille et qui témoigne d’un art consommé de l’interprétation chopinienne, de la part de celui qui remporta – il y a près de cinquante ans déjà – le concours Chopin de Varsovie. La Ballade en fa majeur (1836-39) qui ouvre le disque donne d’ailleurs le ton : hauteur du geste, intensité de la frappe, profondeur du son, justesse du style, distinction du phrasé. On pourrait dupliquer ces louanges aux autres œuvres réunies dans cet album, proches par leur date de création mais assez diverses par leur manière : qu’il s’agisse des quatre Mazurkas (1837-38) – si rigoureuses et en même temps si touchantes –, des trois Valses (1834-38) – élégamment raffinées et follement entraînantes à la fois – ou de l’Impromptu en fa dièse majeur (1839) – où le pianiste brille d’intelligence dans l’enchaînement et la transformation des thèmes –, tout ici respire la grandeur et l’évidence.
Quant à la Sonate en si bémol mineur (1837-39), d’une intensité à la fois maîtrisée et fougueuse, elle témoigne d’un absolu respect de la partition qui jamais ne confine à l’ennui : simplement juste, à l’image de la «Marche funèbre» (aussi sobre qu’implacable) ou du dernier mouvement (halluciné… sans jamais tricher sur la valeur des notes, ce qui n’est pas si fréquent). Relevons également que la reprise de l’exposition du premier mouvement est exécutée sans omettre les quatre mesures de l’introduction «Grave», ainsi que le précise Paolo Petazzi dans la notice, évoquant la conviction de Maurizio Pollini, tirée de «L’Etude des sources», qu’une erreur s’est glissée dans la première édition allemande de la partition. Ce qui est sûr, c’est qu’aucune erreur ne vient ternir l’interprétation lumineuse et parfois déchaînée de cet Opus 35. Toutes les pièces réunies dans cet album sont comme des diamants bruts qu’un artiste au sommet de son art a su tailler à la mesure de son intelligence : génie de l’interprète.
Gilles d’Heyres
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