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12/23/2008
Ludwig van Beethoven: Les neuf Symphonies

Karita Mattila (soprano), Violeta Urmana (mezzo-soprano), Thomas Moser (ténor), Eike Wilm Schulte (basse), Sveriges Radiokören, Eric Ericsons Kammarkör, Tõnu Kaljuste (chef des chœurs), Berliner Philharmoniker, Claudio Abbado (direction), Bob Coles (réalisation)
Coffret de 4 DVD 2057378 – 413’
Medici Arts 2057378 – Son PCM Stereo – Format 16/9 – Région Code 0






Beethoven est un des compositeurs les mieux représentés en vidéo. On trouve notamment pas moins de quatre intégrales des Symphonies : deux sont dirigées par Herbert von Karajan à la tête de l’Orchestre philharmonique de Berlin (respectivement distribuées chez Deutsche Grammophon et chez Sony), une autre est interprétée par l’Orchestre philharmonique de Vienne sous la houlette de Leonard Bernstein (chez Deutsche Grammophon) et, enfin, une quatrième est le fruit de plusieurs concerts donnés par Claudio Abbado à la tête, là encore, de l’illustre phalange berlinoise. Ces représentations ont, à l’exception notable de la Neuvième symphonie (captée en mai 2000 à la Philharmonie de Berlin dans le cadre des « Europakonzert »), toutes été données en février 2001 à l’Academia Nazionale di Santa Cecilia de Rome.


Ce qui frappe en premier lieu, c’est, naturellement, Claudio Abbado. Le visage émacié, les traits fatigués, il renoue alors avec la direction après avoir traversé la dure épreuve que l’on sait et c’est une vraie joie de le voir ainsi, souriant (voyez le dernier mouvement de la Pastorale !), à l’aise, alors que, quelques semaines plus tôt, dans un Requiem de Verdi poignant que l’on a tous en mémoire, il n’était (physiquement parlant) que l’ombre de lui-même… La gestique du chef ne varie guère, généralement plus suggestive que véritablement directive sauf en quelques endroits délicats où l’impulsion doit être donnée à l’orchestre. Abbado fait ainsi davantage figure de partenaire que de directeur au sens premier du terme. L’interprétation de la Cinquième Symphonie est un bel exemple de cette façon de faire. De même, alors que, dans la vidéo réalisée pour Sony, Karajan battait clairement la mesure à trois temps au début de l’Allegro vivace e con brio de la Huitième, assumant ainsi la poigne de fer avec laquelle il emportait l’orchestre, Abbado adopte une battue plus lâche, moins précise, laissant les musiciens plus libres dans leur jeu (en tout cas de façon apparente). La baguette est d’ailleurs inutile, le chef préférant donner les indications tant mélodiques que rythmiques avec sa main gauche. Globalement, Abbado privilégie des tempi rapides (y compris, ce qui peut étonner, dans le premier mouvement de la Neuvième ou dans le finale de la Troisième) mais, contre toute attente, il lui arrive également d’être assez lent au point de bloquer l’élan de la partition (par exemple dans l’Allegro ma non troppo de la Pastorale). Même s’il ne s’agit pas là de son répertoire de prédilection, il convainc de bout en bout (sauf, peut-être, dans la Neuvième) ; lors des concerts romains, l’assistance l’ovationne debout à la fin de chaque symphonie, saluant néanmoins peut-être autant la résurrection physique d’un compatriote que l’œuvre d’une grand chef…


L’interprétation convainc également, naturellement devrait-on dire, en raison du jeu du Philharmonique de Berlin, la tradition orchestrale de cette phalange, aussi bien avec Furtwängler qu’avec Karajan, ayant fait de Beethoven un de ses compositeurs favoris. En l’espèce, Abbado privilégie la clarté orchestrale plutôt que la puissance : ainsi, les contrebasses ne sont que trois dans les Première (qui ne compte également que quatre violoncelles) et Deuxième, quatre dans les autres alors que Karajan en utilisait six au minimum. Il faut dire qu’en 2001, Harnoncourt et quelques autres sont passés par là et il est évident qu’une page est définitivement tournée dans l’interprétation beethovénienne…


La force de l’image étant ce qu’elle est, la puissance est également amoindrie par les caméras. Ainsi, lors du roulement de timbales au milieu du premier mouvement de la Neuvième, on nous montre une rapide succession d’images de différents pupitres sans que les timbales ne soient d’ailleurs privilégiées d’une quelconque façon… Là encore, si l’on compare à l’exceptionnel concert de la Saint-Sylvestre 1977 dirigé par Karajan, qui avait au programme l’ultime symphonie du maître de Bonn, l’image est totalement différente: on y voit en effet les deux timbaliers (là où Abbado n’en requiert qu’un seul !) s’activer dans un vrombissement tellurique avec, en arrière plan, le visage de Karajan pris à contre-jour… Il est évident que la force, émotionnelle autant que musicale, est bien plus prégnante dans ce dernier exemple. De même, la façon de filmer le premier mouvement de l’Héroïque nous donne à voir et, de facto, à entendre soit une vision «légère» de l’œuvre avec Abbado (dont le visage est d’emblée souriant), soit une vision pleinement dramatique avec Karajan (que l’on regarde le concert fêtant les cent ans du Philharmonique de Berlin chez Sony ou celui, malheureusement non officiellement publié, donné à Osaka par les mêmes protagonistes en octobre 1981).


Dans la Neuvième, les solistes vocaux sont bons sans être pleinement convaincants, de même que les chœurs, pourtant bien préparés par Tõnu Kaljuste. La ferveur n’est pas vraiment au rendez-vous en raison, là encore, d’une plus grande attention portée par Claudio Abbado à la clarté du tissu orchestral. Tout au long de ce chef-d’œuvre, le chef italien donne la priorité aux détails alors que Karajan (ou, même Rattle) insistait davantage sur les effets de masse, renforcés il est vrai par des effectifs plus imposants. Mais, comme on l’a déjà dit, on est passé à une autre époque. Les musiciens ont également changé : si les Konzermeister Toru Yasunaga et Daniel Stabrawa sont toujours là, ils ont été rejoints par le jeune Guy Braunstein. De même, Andreas Blau n’est plus le seul flûtiste solo; Emmanuel Pahud et Jacques Zoon sont présents. Hansjörg Schellenberger (hautbois), Klaus Stoll (contrebasse), Martin Kretzer (trompette) sont quelques «survivants» de l’ère Karajan : ils sont peu nombreux. L’orchestre est rajeuni et féminisé: oui, décidément, on a bel et bien changé d’époque… Même si l’apport d’Abbado à Berlin aura été bien plus vaste, peut-être restera-t-il avant tout comme celui qui a permis à un des meilleurs orchestres du monde de passer sans encombre du XXe au XXIe siècle. Pour cela aussi, il mérite qu’on se lève et qu’on l’applaudisse.


Sébastien Gauthier

 

 

 

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