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12/22/2008 Olivier Messiaen : Fantaisie pour violon et piano – Quatuor pour la fin du temps – Le Merle noir – Pièce pour piano et quatuor à cordes – Morceau de lecture à vue pour piano (premier enregistrement mondial)
Matthew Schellhorn (piano), Kenneth Smith (flûte), Barnaby Robson (clarinette), James Clark (violon), Philippe Honoré (violon), Rachel Roberts (alto), David Cohen (violoncelle)
Enregistré à Potton Hall, Suffolk, Angleterre (17-19 février 2008) – 72’35
Signum Classics SIGCD126 (distribué par Intégral) - Notice de présentation en anglais
Matthew Schellhorn jeune pianiste britannique, doit en partie sa célébrité outre-Manche à ses interprétations de la musique d’Olivier Messiaen bien accueillies par la critique. Yvonne Loriod elle-même en a salué la précision et la sensibilité. En compagnie de six solistes du Philharmonia de Londres, il présente ici une sélection de pièces de musique de chambre dont certaines jamais ou rarement enregistrées.
Le catalogue de Messiaen abonde en œuvres pour piano et ensemble instrumental mais en contient peu pour une formation plus spécifiquement de chambre. Le Quatuor pour la fin du temps ne pouvait que s’imposer ici et on peut penser que, comme pour beaucoup de musiciens en 2008, année Messiaen, l’attrait de cette œuvre mythique à la formation insolite fut l’inspiration du programme de cet hommage ressenti. Différentes interprétations se multiplient mais une nouvelle version ne manque jamais d’intérêt ne serait-ce que pour la beauté renouvelée de la musique. Celle-ci vaut par la qualité et la haute technicité instrumentale des solistes du Philharmonia, le discernement du pianiste, leur conviction, et l’entente évidente qui existe entre eux. Les quatre musiciens en donnent une lecture limpide et précise, illuminée de l’espérance indéfectible que Messiaen souhaitait communiquer. Ensemble ils réussissent tout particulièrement le labyrinthe habité de la «Liturgie de cristal», l’espiègle «Intermède» et le doux mais vertigineux «Fouillis d’arcs-en ciel pour l’Ange qui annonce la fin du temps» à la partie de piano parfois impressionnante. Séparément, la souplesse et la riche sonorité sombre de la clarinette de Barnaby Robson apportent au troisième mouvement une profonde mélancolie aux soudaines embellies d’oiseaux, le cinquième mouvement, «Louange à l’éternité de Jésus», bénéficie de l’expressivité et du beau legato de David Cohen, jeune violoncelliste d’origine belge, et au huitième, James Clark, violoniste expérimenté et premier violon du Philharmonia, satine le long ruban fluide de la «Louange à l’immortalité de Jésus», ses aigus d’une remarquable douceur et sa retenue émouvante.
Au Thème et variations pour violon et piano peut-être plus attendu, James Clark et Matthew Schellhorn ont préféré la rare Fantaisie de 1933 écrite également à l’intention de Claire Delbos et restée inédite jusqu’en 2007 quand Yvonne Loriod, qui l’avait découverte dans les dossiers du compositeur disparu, en a autorisé la publication. C’est une œuvre presque rhapsodique aux temps inégaux, basée sur des modulations ascendantes de suites de notes et d’accords, créatrices d’une tension positive qui culmine en l’épanouissement d’un beau thème mélodique, ascendant également, ample et libre à la César Franck, rayonnant de sourires intérieurs, énigmatiques et sereins. Le violoniste en fait ressortir toute la grâce encore traditionnelle (la ligne du violon respire pleinement) sans être en porte-à-faux avec une partie de piano peut-être plus aventureuse bien mise en valeur sous les doigts souples et véloces de Matthew Schellhorn, toujours aussi efficace.
Peu de temps après la Fantaisie, Messiaen écrivait une très courte pièce pour piano destinée aux épreuves de lecture à vue de l’Ecole Normale de Musique en 1934. Le Morceau pour lecture à vue pose peu de problèmes sur le plan rythmique. Ecrit dans le mode codifié plus tard en tant que deuxième à transposition limitée, il se base davantage sur la richesse chromatiques des accords, le motif principal étant une étrange annonce du «thème de l’amour mystique» des Vingt Regards sur l’Enfant-Jésus. En fin de programme, Schellhorn l’interprète avec douceur et simplicité comme un adieu. Le Merle noir, de 1951 se destinait aussi aux étudiants, cette fois au concours du Conservatoire. Plus aboutie que le morceau précédent, la pièce reste fermement établie au répertoire des flûtistes. Le piano agile de Schellhorn se fait l’ombre de la flûte, fin oiseau au chant ensorceleur, à la fois vif et tendre. Kenneth Smith en réussit à merveille les enjeux techniques et l’ouverture sur l’imaginaire, l’éclairant d’une sensibilité poétique tout à fait bienvenue.
Comme Kurtág ou Ligeti, Messiaen tint à saluer Albert Schlee en musique à l’occasion de son quatre-vingt-dixième anniversaire. Créée pour cette raison à Vienne en 1991, la Pièce pour piano et quatuor à cordes reste de structure palindromique assez simple malgré les climats changeants surtout au piano et c’est ici que le jeu de Schellhorn peut paraître le moins convaincu. Le palindrome s’organise en deux fois cinq sections autour d’un panneau central qui livre sans doute les instants les plus riches de cette œuvre tardive. C’est un vif dialogue entre piano et cordes dont le protagoniste principal est une fauvette des jardins, preste et mutine. Les cinq musiciens l’animent avec allant et autorité laissant une impression de vie intense.
Ce disque au programme original et à la prestation engageante est un digne hommage à Olivier Messiaen à l’occasion du centenaire de sa naissance.
Le site de Matthew Schellhorn
Le site de l’Orchestre Philharmonia
Christine Labroche
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