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11/06/2008
Rodion Chedrine : Terzetto avec piano (*) – Three Funny Pieces – Sonate pour violoncelle et piano

Dmitri Sitkovetski (violon), David Geringas (violoncelle), Jascha Nemtsov (*), Rodion Chedrine (piano)
Enregistré au Kammermusikstudio Stuttgart (12-13 septembre 2005 [Sonate] et 17-18 juillet 2006) – 69’43
Hänssler Classic SWR Music CD 93.195 (distribué par Intégral) – Notice de présentation de Jascha Nemtsov en allemand et en anglais






Rodion Chedrine, compositeur prolifique aux multiples facettes et pianiste toujours actif, sélectionne pour ce disque, intitulé «Parade à la russe», trois œuvres des années 1990 qui témoignent de trois aspects de son art : la musique pure, la musique à programme et l’humour en musique. Autour de lui, il réunit trois musiciens talentueux qui, après lui, ont fait leurs études musicales aux Conservatoires de Moscou et de Saint-Pétersbourg. Chedrine se partage actuellement entre la Russie, l’Allemagne et la Lituanie : Dmitri Sitkovetski et Jascha Nemtsov sont Russes, David Geringas est Lituanien et la captation du programme s’est effectuée à Stuttgart. L’équilibre, dans un premier temps, est atteint.


La première œuvre est le Terzetto avec piano de 1995, œuvre curieuse en deux volets qui au départ a tout l’air d’une composition assez classique dans le sillage d’un Chostakovitch mais qui réserve des surprises. Les deux volets sont programmatiques dans un sens qui relève non pas de l’anecdote mais du commentaire musical. De belle facture fluide et expressive, roboratif et parfois douloureux, le premier volet, Le Déjeuner sur l’herbe, fait référence au sens philosophique du tableau de Manet, le détail du sujet, parce que réaliste et contemporain et non arcadien, en véritable rupture avec la tradition académique pourtant à mille égards respectée. L’esprit ne pouvait que revêtir une signification profonde pour un compositeur russe de la génération de Chedrine. Le second volet, plus ironique, voire grinçant, à la limite du grotesque, est une marche, une Parade alla russe, un reflet revu à la russe de la rupture que pouvait représenter le ballet Parade (signé Satie, Cocteau et Massine), peut-être par son réalisme, son «naturalisme grossier» (pour reprendre les termes du reproche fait à Chostakovitch). A l’apogée du mouvement, les trois musiciens chantent à la hussarde sur des accords dissonants le thème d’une chanson traditionnelle, ce moment excessif suivi d’un passage plus retenu, plus expressif, plus personnel qui souligne, si besoin était, l’ironie de cet épisode exagéré de musique d’immédiateté populaire.


La Sonate pour violoncelle et piano fut créée par Rostropovitch en 1997, avec le compositeur au piano. Chedrine est encore au piano ici, Geringas au violoncelle, et ensemble ils font ressortir les accents originaux de cette œuvre de musique pure, classiquement en trois mouvements et profondément russe, différente de compositions plus occidentales comme le sont certaines œuvres de Schnittke ou de Goubaïdoulina et pourtant plus sobre que celles-ci. L’Allegretto initial aux longues phrases étirées, lyriques et douloureuses, oppose une certaine austérité brûlante à la trépidation instable du deuxième mouvement Moderato aux traits plus aventureux. Les deux mouvements tendent vers un finale plus dramatique plus grave. Le piano, intransigeant, soutient, ponctue, orne ou devient l’écho et le double de la belle ligne sombre, lyrique et expressive du violoncelle, l’ensemble procédant par de fréquents motifs ascendants d’une tension grandissante et s’achevant sur un cri.


Entre ces deux œuvres plus ambitieuses, Chedrine offre un moment de détente. Il a enrichi, en les transcrivant pour trio avec piano, trois pièces des années 1980 qu’il avait composées à l’origine pour piano seul. Les transcriptions sont réunies sous le titre Trois pièces drôles. L’humour en musique n’est pas chose aisée mais ces trois courts morceaux très différents sont une triple réussite dans le genre. Les trois instruments adoptent trois personnalités rubato recitando et leurs échanges sans excès, parlants et pittoresques, deviennent, avec hésitations et interrogations, une Conversation à trois des plus évocatrices. Let’s play an opera by Rossini est un bref mais brillant pastiche tout à fait dans l’esprit d’un Hindemith. La dernière pièce pousse l’Humoresque à la conclusion logique de l’acception à un avant-premier degré du terme, l’humeur cédant à l’humour, l’ambitus exagérément large et les traits instrumentaux on ne peut plus plaisamment capricieux et inattendus.


L’interprétation dans son ensemble est impeccable et on peut tout particulièrement rendre grâce à l’expressivité lyrique de Geringas, à l’à-propos du violon de Sitkovetski, à la volubilité habile du piano de Nemtsov et à l’efficacité pianistique de Chedrine lui-même. Pour affiner leur approche, les trois musiciens ont bénéficié de la prestation in situ et des conseils du compositeur russe. Jascha Nemtsov souligne l’ouverture et la jeunesse d’esprit de Chedrine et l’efficience de son aide, ses critiques pertinentes, ses observations enrichissantes et ses encouragements fructueux.


Cet enregistrement en marge des sentiers battus mérite d’attirer l’attention.


Le site de Rodion Chedrine


Christine Labroche

 

 

 

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