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10/26/2008
Franz Schubert : Sonate n°23 en si bémol majeur, D. 960 – Trois Klavierstücke, D. 946
Emmanuel Strosser (piano)
Enregistré à Gramat (juin 2005) – 70’28
Mirare MIR 025 (distribué par harmonia mundi) – Notice trilingue






Plutôt que des tons crus, Emmanuel Strosser choisit pour son Schubert les teintes mordorées de l’automne. Pas de grisaille monotone, cependant, dans l’Allegro moderato initial de la grande Sonate en si bémol : par la variété de l’articulation, la mobilité agogique, il fait sans cesse avancer la musique, lui conserve son rythme intérieur, notamment dans le développement, où certains vagabondent un peu. Pas plus statique, l’Andante sostenuto évolue dans les limbes d’un paysage nu, qu’éclaircit le passage médian, faisant penser à un voyage d’hiver : il y a de la pudeur, de la résignation dans cette lecture qui refuse de lorgner du côté de Beethoven. Le Scherzo, en revanche, bondit, tout de légèreté presque insaisissable, avec de beaux contrastes et une belle main gauche, le pianiste se gardant ensuite de trop accentuer la rupture marquée par le Trio, dont il fait plutôt un miroir inversé du Scherzo. L’Allegro ma non troppo final répugne autant à l’effet et à l’exacerbation des oppositions, il a presque un côté haydnien, reste maîtrisé jusqu’à la coda, où rien ne se précipite. Une interprétation en clairs-obscurs, au sourire mélancolique, que certains pourront juger un rien trop timide, mais assumée avec talent. Si les Klavierstücke ne sont pas davantage marqués par une dramatisation excessive, on n’en sent pas moins dans le Premier une tension, voire une urgence à travers la diversité des atmosphères, notamment dans les Trios. Le Deuxième est comme une eau qui se trouble, on y retrouve le sourire doux-amer de la Sonate. Le Troisième tranche sur les précédents, par la franchise de l’articulation et des couleurs, son espièglerie populaire ; il compose un peu une scène de genre : Emmanuel Strosser, plutôt que de l’architecte ou du sculpteur, tient du paysagiste. On peut, encore une fois, préférer un Schubert plus accidenté, plus tourmenté ; celui-ci, subtil, équilibré, pensé, n’en a pas moins d’indéniables charmes.


Didier van Moere

 

 

 

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