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10/10/2008
François Couperin : Pièces de violes

Philippe Pierlot, Emmanuel Balssa (basse de viole), Eduardo Egüez (théorbe et guitare), Pierre Hantaï (clavecin)
Enregistré au Temple de Lourmarin (13-15 février 2007) – 68’
Mirare MIR 040 (distribué par harmonia mundi) – Notice très soignée et trilingue (français, anglais, allemand) de Philippe Beaussant






Si l’on devait qualifier d’un mot la peinture française du XVIIIe siècle, on pourrait sans aucun mal choisir celui d’élégance, à l’instar du tableau de Jean Raoux (1677-1734) L’Indiscrète qui illustre la pochette du présent disque… Tel est également l’immédiate impression qui ressort de ce disque absolument magnifique.


La viole n’est pas l’instrument le plus directement associé à François Couperin (1668-1733) : son nom évoque davantage le clavecin. Par ailleurs, s’il en a joué durant sa jeunesse, ce n’était que par héritage familial, son père ayant été violiste à la Cour, son oncle ayant composé des suites pour cet instrument. Enfin, l’époque à laquelle Couperin compose les œuvres présentées dans ce disque voit la viole régresser dans les sollicitations musicales au point de se voir concurrencer, et bientôt supplanter, par le violoncelle… Pourtant, sans faire attention à la « mode musicale » d’alors, il écrit deux Suites en 1728, qui comptent aujourd’hui parmi les chefs-d’œuvre offerts à cet instrument. Bien qu’ayant déjà été gravées de splendide façon (par Nima Ben David chez Alpha et par Jordi Savall chez Astrée), elles trouvent ici leur interprétation idéale, oserait-on dire « définitive »…


Dès les premières notes, la Première suite place d’emblée la barre très haut. Après un Prélude extrêmement sombre et retenu, on a du mal à différencier le sublime de l’admirable, entre la délicatesse des triolets de la Courante et le rythme galant imposé à la Gigue. Les caractéristiques de Couperin dans ce type de pièces sont toutes présentes dans la belle Sarabande : simplicité des motifs (contrairement à Forqueray ou Sainte-Colombe qui donnent davantage de place à la virtuosité du trait), plénitude du sentiment (la mélancolie ressortant de cette pièce est extrême), jeu des tonalités (on remarquera ici l’écho apaisé donné par la seconde viole à la première). La Chaconne, qui conclut cette Première suite, est le mouvement le plus entraînant, le plus humoristique pourrait-on dire, et permet ainsi aux deux solistes, Philippe Pierlot et Emmanuel Balssa, de jouer (au sens premier du terme) entre eux avec une délectation contagieuse… La Seconde suite s’ouvre elle aussi par un très beau Prélude ; or, s’il porte le même sous-titre que celui inaugurant la Suite précédente (« gravement »), il véhicule néanmoins une atmosphère très différente, beaucoup moins funèbre, un rien plus allant. Ce mouvement permet aux partenaires des deux gambistes de participer à la finesse du climat général (signalons notamment les discrètes interventions de Pierre Hantaï au clavecin) alors que Couperin écrivait lui-même :
« Quoiqu’on puisse joindre un accompagnement de clavecin ou de théorbe à ce concert, il sera toujours mieux à deux violes ou à deux instruments semblables, sans rien de plus ». L’autre grand moment de cette Suite est le mouvement surnommé « La Chemise blanche », véritable morceau de bravoure où Pierlot déploie une technique digne de tous les éloges.


Les deux morceaux suivants, les Premier et Deuxième concerts, sont des pièces originellement destinées au clavecin. La transcription a été effectuée par Philippe Pierlot lui-même mais, comme le justifie parfaitement Philippe Beaussant dans sa présentation, Couperin ne se serait sûrement pas opposé à ce type de transcriptions… Ici encore, les qualificatifs sont légion pour louer une interprétation impeccable et toujours touchante. Ainsi, on confronte avec la même gourmandise la théâtralité adoptée par les musiciens dans les accents de la partition « Les Satires, chèvre-pieds » avec la douloureuse atmosphère de « La Flore », sans oublier de remarquer le dialogue qui s’instaure entre la viole soliste et les trois autres musiciens dans « L’Enchanteresse ». Si le Deuxième concert est également très beau à bien des égards, on insistera surtout sur l’exceptionnelle « Séduisante » qui – mais il ne s’agit là que d’un point de vue subjectif – illustre davantage la tendresse que peut éprouver une mère envers son enfant que les éventuelles minauderies d’une jeune fille envers son prétendant… Quant à la « Plainte pour les violes », avant-dernière pièce de ce disque, elle permet, encore une fois, à Philippe Pierlot de faire montre d’une émotion à fleur de peau, faisant jouer son instrument comme peu avant lui… Sans aucun doute, on tient ici un très grand disque.


Sébastien Gauthier

 

 

 

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