About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

09/19/2008
John Antes : Trio en ré mineur pour deux violons et violoncelle, opus 3 n°2
George Gershwin : Lullaby, pour quatuor à cordes
Samuel Barber : Quatuor à cordes, opus 11
Ruth Crawford Seeger : Quatuor à cordes
Leonard Bernstein : Sonate pour clarinette et piano
Joan Tower : A Gift, pour flûte, clarinette, basson, cor et piano

Tara Helen O’Connor (flûte), David Shifrin (clarinette), Milan Turkovic (basson), William Purvis (cor), Anne-Marie McDermott (piano), Jupiter Quartet : Nelson Lee, Meg Freivogel (violon), Liz Freivogel (alto), Daniel McDonough (violoncelle)
Enregistré en public au Alice Tully Hall, Lincoln Center, New York (février 2008) – 81’53
Deutsche Grammophon 477 7824 (disponible exclusivement par téléchargement)





L’association de musique de chambre (Chamber Music Society) du Lincoln Center de New York a eu l’excellente idée d’organiser en début d’année quatre concerts de musique de chambre, programmant des compositeurs, hommes et femmes, exclusivement américains : American Voices, voix anciennes, voix originales, voix expérimentales, voix contemporaines. A partir de la fin du XIXe siècle, parmi les nombreuses œuvres innovatrices ou plus classiquement remarquables en existence, la tâche semble aisée mais la CMS a relevé le défi d’une programmation toute américaine remontant aux sources, remontant aux premiers espoirs d’une union d’Etats indépendants, et couvrant l’essence américaine de l’histoire musicale jusqu’à aujourd’hui. Les deux pièces les plus anciennes programmées au cours des quatre concerts datent de la fin des années 1770 et de 1780. L’œuvre la plus récente est de 2007.


Par sa grande qualité et par son caractère représentatif des objectifs de la CMS, le troisième concert de la série devient l’élu idéal pour la collection «Concerts» de Deutsche Grammophon. La première œuvre de la sélection est de John Antes, pasteur et missionnaire né en 1740 au sein de la communauté morave établie en Pennsylvanie après la persécution de 1722 et une première fuite en Saxe. L’élégance, la grâce souriante et l’excellente facture de son Trio pour deux violons et violoncelle font aussitôt penser à Haydn, peut-être à Antonín Vranicky ou à Pichl, et on ne s’étonne pas d’apprendre que ce sont les communautés moraves d’abord de Pennsylvanie ensuite de la Saxe qui se sont chargées de la formation musicale de ce polymathe à la vie extraordinaire. La CMS a retenu le deuxième des trois Trios de l’Opus 3, écrits aux alentours de 1780. Il est en trois mouvements : de forme sonate, les mouvements extérieurs – un Allegro qui passe de l’ombre au soleil et un Presto plus affirmé – encadrent un Andante un poco adagio expressif et tendre. Antes accorde un rôle d’égale importance aux deux violons et les trois instruments prêtent leur voix aussi bien au développement thématique qu’à la ligne rythmique d’accompagnement. Le bel équilibre de ce Trio épanoui peut faire regretter que l’œuvre d’Antes soit en grande partie perdu à ce jour.


Les deuxième et troisième œuvres retenues sont sans doute les plus connues de la sélection grâce en partie aux transcriptions pour orchestre à cordes. Le doux balancement mélodieux de Lullaby, la berceuse écrite pour quatuor à cordes par un jeune Gershwin en 1919, se destinait exclusivement à ses amis musiciens de la classe de composition d’Edward Kilenyi, l’aîné, sans autre ambition. (A l’époque, Gershwin menait de front ses études musicales sérieuses auprès de Kilenyi, et un travail de pianiste song-plugger jouant en magasin les partitions populaires en vogue sur la demande de futurs acquéreurs). En dehors du cercle des intimes, l’œuvre demeura inédite jusqu’en 1963 quand elle connut rapidement des transcriptions pour harmonica et quatuor à cordes et pour orchestre à cordes. Retenue ici, bien sûr, la version originale dans la suave interprétation du Quatuor Jupiter.


Le Quatuor Jupiter prête la même attention sans heurt aux demi-teintes oniriques du célèbre Quatuor à cordes aux accents romantiques de Samuel Barber, cela sans perdre l’intensité appassionato du premier mouvement plus incisif. L’œuvre date de 1936; dès 1937 le jeune compositeur effectuait à la demande de Toscanini la transcription pour orchestre à cordes du deuxième mouvement, devenu l’Adagio pour cordes qui a fait sa célébrité auprès du plus grand nombre.


De cinq ans antérieur à la pièce de Barber, l’unique Quatuor à cordes de Ruth Crawford Seeger, peut par conséquent surprendre par son langage résolument «moderniste». Son admirable écriture serrée, d’une grande maîtrise contrapuntique, relève des idées les plus avancées de l’époque, en Europe comme aux Etats-Unis, mais il ne s’agit nullement d’un exercice de style aride ou abrasif. Une voix personnelle s’élève, dense, intense, lumineuse et lyrique, pénétrant la construction rigoureuse des quatre mouvements enchaînés, illuminant les motifs de type sériel et irisant les superpositions savantes de rythmes et de dynamiques, chaque ligne indépendante jusque dans les indications d’intensité sonore. La richesse de la partition laisse beaucoup attendre de la suite mais peu de temps plus tard, Ruth Crawford Seeger se détachait de la composition sérieuse pour se consacrer à sa deuxième passion : la vie et la sauvegarde des musiques traditionnelles américaines.


D’Antes à Seeger, l’interprétation du Quatuor Jupiter, à trois ou à quatre, accuse, souvent avec bonheur, le caractère très différent des œuvres au programme. Les deux dernières font appel au piano et aux instruments à vent. De prime abord, les deux semblent contemporaines, peut-être par le charme de leur caractère déjanté, peut-être à cause d’une petite fragrance partagée à la Hindemith. Hindemith a pu effectivement influencer la Sonate pour clarinette et piano, première partition éditée (1942) d’un jeune Leonard Bernstein déjà charismatique, mais cette pièce, aux deux mouvements intérieurement contrastés, contient dès alors les marques mélodiques et rythmiques du compositeur à venir.


A Gift (2007), quintette pour flûte, clarinette, basson, cor et piano de Joan Tower (née en 1938), doit son titre à la raison d’être d’un bref Duo pour flûte et clarinette qu’un commanditaire mélomane voulait offrir à sa sœur. Joan Tower n’a pu en rester à ce premier jet dont les sonorités des vents et le thème celé (une chanson de Rodgers et Hart) lui semblaient propices à la germination d’une pièce de plus grande envergure. Effectivement, l’air My Funny Valentine parcourt les quatre volets de la partition, affleurant par bribes ou par tonalités évocatrices sans jamais s’énoncer, source d’inspiration du matériau thématique dans un fascinant jeu de cache-cache subliminal. Les titres attribués aux quatre volets offrent une bonne description des intentions du compositeur et de l’impact expressif de cette pièce assez subtile aux couleurs travaillées et à l’aura néo-classique : With Memories - With Song - With Feeling - To Dance With. Les musiciens souples et attentionnés de la CMS en assurent ici la création mondiale.


La valeur de cet enregistrement se tient dans le thème, la nature, l’originalité et, bien sûr, la qualité du concert conçu par la CMS. L’excellent livret téléchargeable est en partie extrait des notes de programme du Dr. Richard E. Rodda.


Le site de la Chamber Music Society du Lincoln Center


Christine Labroche

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com