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09/13/2008 Ludwig van Beethoven : Sonate pour violon et piano n° 9 «A Kreutzer», opus 47
Maurice Ravel : Sonate pour violon et piano n° 2
Béla Bartók : Six Danses populaires roumaines, sz. 56 (arrangement Zoltán Székely)
Fazil Say : Sonate pour violon et piano, opus 7 Patricia Kopatchinskaja (violon), Fazil Say (piano)
Enregistré à Cologne (octobre 2007) – 67’29
Naïve V 5146
La notice (en français, anglais et allemand) de ce disque se contente d’un entretien avec les artistes (et de leur biographie): après tout, on pourra admettre que la plupart des œuvres au programme sont suffisamment connues pour ne pas faire l’objet d’une présentation plus complète, mais ce parti pris traduit aussi le concept volontiers narcissique de cette parution, se reflétant dans des interprétations qui, selon la formule consacrée, ne laisseront pas indifférent – comme à chaque fois que des artistes se fourvoient en donnant l’impression de se servir de la musique davantage qu’ils ne la servent.
Associés depuis 2004, Patricia Kopatchinskaja (née en 1977) et Fazil Say (né en 1970) partagent un tempérament exubérant et iconoclaste, revendiquant explicitement leur manière personnelle d’aborder ces grandes pages du répertoire. La Neuvième sonate «A Kreutzer» (1803) de Beethoven est certes emblématique d’une lutte, ce que Kopatchinskaja traduit par «Il faut l’aborder sportivement». Et d’ajouter: «Nous avons une foule d’idées», tout en retournant à son profit la critique de l’Allgemeine Zeitung de 1805, qui parlait de «terrorisme esthétique et artistique»: «C’est comme ça que j’ai essayé de le jouer.» Soit. Mais cette référence historique ne sert évidemment pas de caution à une tentative de reconstitution: embardées permanentes, accents surlignés, affectation omniprésente, le duo se fait sans nul doute plaisir, mais ce souci exclusif de l’instant, du détail outrageusement mis en valeur, ne parvient pas à compenser un dynamisme aussi indéniable qu’inépuisable. L’auditeur a toutefois échappé à bien pire, puisqu’à la question: «Qu’auriez-vous souhaité demander à Beethoven?», elle répond: «Si l’on pouvait jouer cette Sonate de façon encore plus extrême.»
Dans la Seconde Sonate (1927) de Ravel, les choses paraissent d’abord mieux se présenter, avec un Allegretto bien mené, malgré quelques tentations décoratives ou sentimentales. Le «Blues» dérape en revanche complètement: «Nous avons joué le Blues sur un piano préparé. En fait, l’enregistrement était déjà prêt, mais cette prise, avec des cendriers dans le piano, est celle que nous avons gardée. [...] Nous nous imaginions un Africain fatigué avec un banjo dans un bar enfumé.» D’où les cendriers. CQFD – mais cette fois-ci, on a oublié de demander à Ravel ce qu’il en aurait pensé. A chacun de se faire son opinion, mais s’il est bien un mot qui ne faisait pas partie de son vocabulaire, c’est «vulgarité», car les pizzicati déjantés et les phrasés du violon ne sont hélas pas en reste. Mais le côté frénétiquement virtuose du «Perpetuum mobile» aurait peut-être pu séduire le compositeur, amateur de énième degré...
Avec les Six Danses populaires roumaines (1915) de Bartók, la violoniste moldave, émigrée à Vienne et résidant désormais en Suisse, chante sans doute, comme on dit, dans son arbre généalogique, mais est-ce une raison pour en faire autant? Enfin, comme chez Ravel, il y a, dans les cinq mouvements de la Sonate pour violon et piano (1996) de Fazil Say de la «Mélancolie», du «Grotesque» et un «Perpetuum mobile», mais aussi les ficelles habituelles de l’écriture pianistique du Turc (mélismes impressionnistes, cordes frappées directement avec la main comme pour évoquer un instrument folklorique, ...). Il estime à propos de «PatKop» que «son interprétation [...] est absolument insurpassable». On veut bien le croire.
Le site de Patricia Kopatchinskaja
Le site de Fazil Say
Simon Corley
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