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09/03/2008 Einojuhani Rautavaara : Manhattan Trilogy – Symphonie n° 3
Helsingin kaupunginorkesteri, Leif Segerstam (direction)
Enregistré à Helsinki (septembre et novembre 2006) – 53’47
SACD Ondine ODE 1090-5 (distribué par Codaex)
Si, à la différence de Sibelius, il n’a pas cessé de composer à l’âge de soixante ans, Einojuhani Rautavaara, qui fêtera ses quatre-vingts ans le 9 octobre prochain, se rapproche de la remarquable longévité de son illustre prédécesseur, qui était presque nonagénaire (et depuis bien longtemps une véritable légende vivante) lorsqu’il l’adouba comme héritier. C’est donc sur sa recommandation que le jeune élève de Merikanto put bénéficier d’une bourse d’études qui lui permit de travailler en 1955-1956 à la Juilliard School et à Tanglewood, notamment avec Persichetti, Sessions et Copland. Cependant, ainsi qu’il l’avoue dans la notice de ce disque (en anglais, allemand, français et finlandais), succincte mais intéressante, plus encore que par ces «éminents professeurs», il fut marqué par «la beauté de Manhattan, sa cruauté et les impressions variées» qu’il ressentit alors.
Près de cinquante ans plus tard, Manhattan Trilogy (2004) décrit les «symboles des étapes d’un jeune musicien», depuis les «rêveries pleines d’espoir» du premier volet («Rêves diurnes») jusqu’au «lent éveil de sa personnalité» de compositeur («Aube») en passant par les «cauchemars soudains empreints de doutes» («Cauchemars»). Vingt minutes d’une grande force poétique et d’une orchestration presque trop confortable à force d’étaler sa splendeur et de sertir un idiome guère aventureux.
S’il a beaucoup écrit pour la scène, Rautavaara n’en a pas moins donné raison à Sibelius, en ce qu’il s’est imposé comme l’un des plus grands symphonistes de la seconde moitié du XXe siècle. Aussi atypique soit-elle, la Troisième symphonie (1961) en témoigne de façon éloquente, tant elle réunit les qualités essentielles du genre: maîtrise du discours, nécessité organique et refus des artifices narratifs ou décoratifs, traduisant ainsi une certaine idée (ou un certain idéal) de «musique pure». Le compositeur y reconnaît deux influences: celle de la technique dodécaphonique, d’une part; celle de Bruckner, d’autre part – mais le maître de Saint-Florian est-il si éloigné que cela du Sibelius de la Cinquième ou de la Septième?
Si quelques traits de cette Troisième apparaissent certes typiquement brucknériens, comme le recours à quatre Wagner-Tuben, ce serait, comme chez Sulek, rester à la surface des choses que de se contenter de recenser ces réminiscences ou de noter que les indications de tempo sont en langue allemande. Car Rautavaara, indépendamment du fait que son œuvre est nettement plus ramassée que ne le sont les Symphonies de Bruckner, intègre ces éléments extérieurs à un tout autre contexte, créant ainsi un langage personnel qui annonce la puissance évocatrice du fameux Cantus arcticus. Ainsi de l’appel de cor initial, qui pourrait être tenu pour un plagiat maladroit de la Quatrième symphonie «Romantique» s’il n’était entouré de ces vives et impalpables figures des bois, sur lesquelles se conclut également le Bewegt final et qui transportent l’auditeur dans un tout autre paysage sonore mais aussi géographique – peut-être Madetoja, tandis que le scherzo (Sehr schnell) semble encore parfois assez proche de Sibelius. De même, le recours à des séries schönbergiennes n’apparaît guère orthodoxe, puisque comme chez Frankel à la même époque, il s’inscrit dans un cadre essentiellement tonal.
Ce nouveau disque de la passionnante série qu’Ondine consacre au compositeur finlandais avec l’Orchestre philharmonique d’Helsinki et Leif Segerstam n’a donc qu’un seul défaut, celui d’être un peu bref.
Simon Corley
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