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08/19/2008 Ludwig van Beethoven : Symphonies n° 1, opus 21 [5], n° 2, opus 36 [2], n° 3 «Héroïque», opus 55 [2], n° 4, opus 60 [1], n° 5, opus 67 [6], n° 6 «Pastorale», opus 68 [3], n° 7, opus 92 [3], n° 8, opus 93 [1], et n° 9, opus 125 [4] – Ouvertures: Die Geschöpfe des Prometheus, opus 43 [1], Coriolan, opus 62 [3], Egmont, opus 84 [2], Die Ruinen von Athenen, opus 113 [2], et Die Weihe des Hauses, opus 124 [6] – Marche turque des «Ruines d’Athènes», opus 113 [4]
Anna-Kristiina Kaappola (soprano), Marianne Beate Kielland (alto), Markus Schäfer (ténor), Thomas Bauer (basse), Chœur, Anima eterna, Jos van Immerseel (direction)
Enregistré à Bruges (10-12 décembre 2005 [1], 1er-4 mai 2006 [2], 13-16 novembre 2006 [3], 17, 18 et 20 avril 2007 [4], 20-21 avril 2007 [5], 20-21 décembre 2007 [6]) – 374’27
Coffret de six disques Zig-Zag Territoires ZZT080402.6 (distribué par harmonia mundi)
Après une intégrale Schubert (1997, Sony), Jos van Immerseel et Anima eterna s’attaquent à plus forte partie en passant à Beethoven. «A quoi bon?» est-on immanquablement tenté de se dire, face à l’abondance de références, même sur instruments anciens (Gardiner, Archiv) ou dirigées par des chefs «baroqueux» (Harnoncourt, Teldec). Pour un Osmo Vänskä (Bis) ou un Paavo Järvi (RCA), combien de vaines entreprises? Mais les intégrales continuent de sortir régulièrement, alors qu’elles se révèlent au mieux inégales, comme celle de Bernard Haitink avec l’Orchestre symphonique de Londres (LSO live, voir ici), le plus souvent insuffisantes, comme celle de John Nelson avec l’Ensemble orchestral de Paris (Ambroisie, voir ici) ou de Gustav Kuhn avec l’Orchestre Haydn de Bolzano et Trente (col legno, voir ici), voire injustifiables, comme celle de Mikhaïl Pletnev avec l’Orchestre national de Russie (Deutsche Grammophon).
Une récente prestation en concert de l’ensemble constitué en 1987 par le pianiste anversois incitait en outre à un optimisme très mesuré (voir ici). Cette publication apparaît dès lors comme une excellente surprise, sans doute parce qu’elle a fait l’objet d’une préparation autrement plus minutieuse, d’autant que ces œuvres sont à son répertoire depuis plus de dix ans. Les six disques présentent les Symphonies à peu près dans l’ordre chronologique, complétées par cinq des onze ouvertures, mais elles ont été enregistrées en six sessions étalées sur deux ans, en commençant par la Quatrième pour finir par la Cinquième.
Précédant une notice concise mais intéressante (en français, anglais, allemand et néerlandais) de Cécile Reynaud, agrémentée de citations de Berlioz, Hoffmann et Schumann, l’introduction de Jos van Immerseel, maladroitement traduite en français et intitulée «Connaissons-nous l’orchestre de Beethoven et sa musique?», détaille longuement les considérations qui ont présidé à son travail d’interprète. Se fondant sur l’édition critique de Jonathan del Mar (Bärenreiter), il a opté pour un diapason «viennois» à 440, approprié à la facture également viennoise des bois. Il relativise la question de l’effectif, au regard non seulement des standards de l’époque mais aussi de considérations d’ordre sonore: «la multiplication de l’unisson ne procure qu’un léger gain de volume», car «un renforcement ne peut intervenir que par l’augmentation du nombre de parties». Vingt-quatre cordes (trente-trois dans la Neuvième, et un chœur de vingt-quatre chanteurs) usant d’un «vibrato dosé» font donc l’affaire, avec des bois de facture viennoise (originaux ou copies). Immerseel estime en outre que les instruments anciens permettent de respecter exactement les tempi – souvent jugés trop rapides – que Beethoven exige avec précision à partir de la Septième grâce à l’invention du métronome et il prend le parti d’observer toutes les reprises (sans aller fort heureusement jusqu’à celles du da capo des menuets ou scherzos).
Les intégrales qui, depuis maintenant un quart de siècle, sont animées par des démarches comparables, commencent généralement fort bien, mais confrontées à l’évolution des dimensions et du style, s’essoufflent et calent à partir de la Cinquième, voire dès la Troisième. Tel n’est pas le cas ici, car cette impression de sous-dimensionnement ne se fait sentir qu’avec la Neuvième. Cela tient sans doute au fait que les principes auxquels s’astreint Immerseel sont appliqués de façon plus empirique qu’intégriste. La vigueur parfois un peu brutale et l’exagération des tics interprétatifs propres aux versions sur instruments anciens – et dont elles n’ont évidemment pas le monopole – se retrouvent certes ici, mais tempérées par de nombreux atouts: une articulation souple, un propos soigneusement construit, une allure pas systématiquement précipitée, en particulier dans les mouvements lents, et une qualité instrumentale plutôt satisfaisante – il est vrai que les pupitres sont tenus par des artistes tels que Marc Hantaï ou Eric Hoeprich, même s’il est décidément difficile de se faire à ces hautbois bien verts et nasillards, tandis que les cors ont en revanche fière allure. Assez curieusement, la prise de son donne de la formation belge une image assez lointaine en même temps que réverbérée, mais assure néanmoins un équilibre satisfaisant entre les pupitres.
De ce fait, l’intérêt demeure soutenu tout au long du parcours, ce qui n’empêche pas, tout naturellement, que l’appréciation des étapes successives puisse varier quelque peu. Globalement, on trouvera les musiciens plus à l’aise dans la comédie que dans le drame, dans la lumière que dans l’ombre, et ce dès une Première (1800) légère, vive et transparente, de même que l’Ouverture des Créatures de Prométhée (1801), rondement menée. Fraîche, aérienne et respirant largement, la Sixième «Pastorale» (1808) constitue également l’un des meilleurs volets de cette intégrale, tandis que la Quatrième (1806) et davantage encore la Deuxième (1802) en paraîtraient presque trop sages.
Immerseel et Anima eterna semblent en revanche avoir plus de mal à donner vie à la lutte, au combat et à la tragédie, et, sauf dans d’excellentes Septième (1812) et Huitième (1812), à cette énergie intransigeante et péremptoire caractéristique de Beethoven. De ce fait, la Troisième «Héroïque» (1804), si elle ne manque pas de punch et d’élan (spectaculaire coda du finale), ne possède pas la fulgurance et la tension que Gardiner parvenait à y insuffler, de même que la Cinquième (1808) et, dans son sillage, les Ouvertures de Coriolan (1807) et d’Egmont (1810).
Point d’achoppement de bien des intégrales, la Neuvième (1824) soutient tant bien que mal la comparaison avec les huit précédentes, pour peu qu’on s’habitue à quelques particularités, comme ce Scherzo qui, avec toute ses reprises, dure une minute de plus que le mouvement lent (lequel n’est pas pour autant bâclé). Mais manquant de corps, de vie et de démesure, notamment dans le finale, elle se situe toutefois en retrait, comme les Deuxième, Troisième et Cinquième, d’autant que le baryton n’est guère en voix et que le chœur sonne quelquefois étriqué.
Restent encore quelque zakouskis et mignardises: l’Ouverture des Les Ruines d’Athènes (1811), à l’introduction bien allante, suivie de la «Marche turque» avec une percussion «turque» tenue par six instrumentistes (cymbales turques, deux grosses caisses, triangles, tambourin, chapeau chinois), et l’Ouverture La Consécration de la maison (1822), un pastiche haendélien dans lequel on n’est guère surpris de trouver remarquables le chef et son orchestre.
Le site d’Anima eterna
Simon Corley
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