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07/29/2008
Franz Schubert : Symphonie n° 9 en ut majeur D 944, « La Grande »

Orchestre national Bordeaux Aquitaine, Kwamé Ryan (direction)
Enregistré à la salle Franklin, Bordeaux (juin 2007) – 54’39
Disque Mirare MIR 045 – Notice très soignée et trilingue (français, anglais, allemand) d’Adélaïde de Place





L’Orchestre national Bordeaux Aquitaine (qui bénéficie de ce label depuis 1988, année où Alain Lombard en a pris les rênes) fait incontestablement partie des grands orchestres français. Sous la houlette de Roberto Benzi, puis d’Alain Lombard, de Hans Graf et de Yutaka Sado (ce dernier en qualité de premier chef invité), il a prouvé qu’il était à l’aise aussi bien chez Dutilleux que chez Haendel (on se souviendra longtemps des représentations de Jules César dirigées par Sian Edwards au Grand théâtre de Bordeaux…) ou Massenet (on écoutera naturellement le splendide Thaïs que l’orchestre a enregistré avec Renée Fleming dans le rôle-titre chez Decca). Après un bref passage à vide, la formation bordelaise s’est reprise en main en accueillant le jeune et prometteur chef Kwamé Ryan comme directeur musical (en fonctions depuis septembre 2007). Le public est de nouveau au rendez-vous et l’audience de l’orchestre prend une nouvelle ampleur, bien au-delà des frontières strictement girondines.


Il va sans dire que l’orchestre et son chef n’ont pas opté pour la facilité en choisissant, pour leur premier enregistrement commun, la Symphonie en ut majeur dite La Grande de Franz Schubert (1797-1828) tant la concurrence au disque est rude. Pourtant, après une écoute attentive de l’œuvre, force est de constater que le défi est relevé avec panache…


Le premier mouvement, Andante - Allegretto ma non troppo, est joué de façon plutôt rapide mais ce qui frappe au premier abord, c’est le remarquable travail orchestral effectué par Kwamé Ryan. Si l’on peut parfois regretter une certaine sécheresse des cordes ou déplorer le manque de noblesse du cor dans l’introduction, on ne peut que louer le caractère printanier dans lequel baigne l’œuvre. Voilà enfin un chef qui n’a pas oublié que Schubert avait moins de trente ans lorsqu’il en a achevé la composition (vraisemblablement en 1826, encore que cette date soit sujette à controverses) ! En outre, Ryan, sans porter atteinte à la cohérence du mouvement, s’ingénie à faire ressortir certains traits orchestraux que nombre de versions passe-partout avaient allégrement édulcorés (écoutez, par exemple, les accents des violoncelles à 12’48’’ qui donnent ainsi une couleur tout à fait unique à ce passage où le joyeux est soudain gagné par le tragique !).


L’Andante con moto est un peu en-deçà du mouvement précédent. Les musiciens ne souffrent aucun reproche (la petite harmonie, naturellement dominée par le hautbois solo, rivalise d’excellence tandis que le pupitre de violoncelles fait preuve d’une rondeur et d’une homogénéité tout à fait remarquables) mais c’est bien la conception du chef qui est ici sujette à discussion. Alors que l’introduction devrait être lyrique, le chef canadien emporte l’orchestre dans un tempo un peu trop rapide qui, par son manque d’ampleur et de respiration, gomme en partie les couleurs qui avaient pourtant été superbement éclairées dans le premier mouvement. Au-delà de ces quelques regrets, on louera de nouveau la musicalité de l’ensemble et le sens apporté au détail ; avait-on déjà entendu ainsi le basson à 1’55’’ ou les violoncelles à 7’16’’ ?


La tonalité initiale d’ut majeur revient dans le Scherzo (Allegro vivace) et, avec elle, la bonne humeur qu’on avait louée dans le premier mouvement. Visiblement, l’orchestre s’amuse beaucoup en jouant ce scherzo qui, pour une bonne part, met en exergue les vifs échanges entre bois et cordes. La grande juvénilité qui en ressort n’occulte pas pour autant le tragique (transcrit par le superbe, et là encore « méconnu », martèlement des trompettes et des timbales à 1’59’’ ou à 4’16’’) ou la nostalgie du Trio.


Le quatrième mouvement conclut brillamment cette symphonie qui, après avoir effrayé certains chefs au XIXe siècle par ses dimensions et ses difficultés, figure désormais au répertoire de tous les orchestres symphoniques. Comme dans le reste de l’œuvre, Kwamé Ryan choisit de respecter toutes les reprises et veille à ce que les différents pupitres ne se couvrent à aucun moment. Peinant parfois à insuffler l’énergie nécessaire, il opte pour une appréhension quelque peu martiale qui, sans être totalement hors de propos, privilégie la bravoure sur la joie. Si cette version ne surpasse pas les gravures données, entre autres, par l’Orchestre philharmonique de Berlin (avec Wilhelm Furtwängler chez Deutsche Grammophon ou, plus encore, avec Günter Wand chez RCA), elle se hisse sans conteste au plus haut niveau. C’est donc avec la plus grande impatience que l’on attend les futures réalisations de Kwamé Ryan à la tête de l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine !


Le site de l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine


Sébastien Gauthier

 

 

 

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