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05/06/2008
André Jolivet : Première Sonate pour piano – Concerto pour piano et orchestre

Pascal Gallet (piano), Duisburger Philharmoniker, Jonathan Darlington (direction)
Enregistré au Temple Saint-Marcel, Paris (avril 2007) et en direct à la Mercantorhalle, Duisburg (septembre 2007) – 47’03
Maguelone MAG 111-171 (distribué par Intégral)





Pour ce troisième et dernier volume de la musique pour piano d’André Jolivet, Pascal Gallet a fait le choix judicieux d’associer l’œuvre majeure qu’est le prodigieux Concerto pour piano à la Première Sonate qui, écrite à peine cinq ans auparavant, en annonçait, d’une certaine manière, l’exubérance, la tendresse étrange et la liberté.


La Sonate (1945) est dédiée à Bartók. La forme classique en trois mouvements – vif, lent, vif – n’en laisserait pas d’emblée deviner l’atonalité, la modernité du langage véhément ou doux, la germination des motifs mélodiques, la force et la complexité des rythmes marqués, les accélérations dynamiques, et les effets de résonance réels ou écrits. Pascal Gallet affronte avec virtuosité les humeurs changeantes du premier mouvement qui oscille entre ouragans percussifs et accalmies mélodiques et il assume avec souplesse le style radicalement différent du deuxième mouvement, long ruban mélodique ensorcelant de douceur mystérieuse. Au troisième mouvement, à tort ou à raison, Gallet fait toucher les rythmes boiteux, syncopés, aux chaloupés du jazz mais, par son sens du phrasé, il réussit à merveille les accélérations réelles tout en maintenant les tensions qui viennent à l’appui d’une impression fiévreuse d’accélération permanente en crescendo. Si hommage à Bartók il y a, il est souterrain, seulement aux points de rencontre possible de deux esthétiques distinctes tant les impératifs stylistiques de Jolivet sont forts, mais, coïncidence ou référence, l’apogée du très bref fortissimo du deuxième mouvement piano, pianissimo, est atteint au point précis de la section d’or du mouvement.


Le Concerto pour piano (1950), comme on le connaît grâce à Lucette Descaves et Ernest Bour (Solstice), ou à Herman D. Koppel et l’orchestre plus cadencé d’Erik Tuxen (Danacord), est une œuvre d’une rare puissance d’élan. Une modalité instable, souvent exotique, et une rythmique audacieuse libèrent des forces originelles. En trois mouvements d’apparence classique comme la Sonate, son énergie, immense et intense, se masse, trépidante, pour voler en éclats assassins – éclats qui ensuite scintillent, hypnotisent et apaisent comme une pluie douce à la verticale de l’été avant la reprise attendue de la furie déchaînée.


Une nouvelle interprétation de cette œuvre ne pouvait être que bienvenue et celle de Pascal Gallet, avec la Philharmonie de Duisburg sous la direction de Jonathan Darlington, est enthousiasmante, très physique et d’une démesure fantasque de bon aloi. L’orientation choisie ne correspond peut-être pas pleinement au «sens originel» et aux forces incantatoires chers à Jolivet mais plutôt à la frénésie débridée, aux pas cadencés et aux chuchotements mystérieux qui pourraient convenir aussi à un Revueltas ou peut-être un Bernstein. La partition respectée, c’est une option tout à fait valable et qui correspond assez à l’un des souhaits de Jolivet lui-même qui était que ses «œuvres soient un catalyseur du magnétisme des auditoires». Gallet livre d’entrée un véritable corps à corps avec la matière sonore, le piano étant tantôt l’instrument soliste, tantôt «concertant», tantôt une partie intégrante de la chaleur massée de l’orchestre. Très sensible aux rythmes marqués, il les chaloupe jusqu’à prendre des accents qui touchent au jazz, surtout au troisième mouvement. Sa prestation reste un tour de force à la hauteur des exigences de cette partition d’exception.


L’impressionnante section de percussion très fournie domine souvent l’orchestre, avantagée peut-être par la prise de son; cependant, les sonorités du célesta, du vibraphone et du xylophone se font discrètement le halo efficace du piano aux moments plus doux. Jonathan Darlington mène son orchestre avec verve et allant mais le chef britannique, avec une tendance tout anglo-saxonne, encourage les cuivres et les percussions vers une accentuation des rythmes cadencés et des sonneries franches qui, au troisième mouvement, frôle le jazz – cela, fort heureusement, non sans l’élément démentiel qui sied à cette œuvre.


La captation du Concerto a eu lieu au cours de deux concerts donnés à la Mercatorhalle de Duisburg en septembre 2007. Pascal Gallet y inaugurait un piano Bechstein récemment acquis. Les applaudissements prolongés en fin d’œuvre sont le reflet de l’enthousiasme qui transcendait les huées à sa création houleuse à Strasbourg en 1951 et c’est peut-être pour cette raison que le fading technique n’intervient qu’au bout de presque une minute et demie.


Quoique chacune exceptionnelle dans son genre, ces deux œuvres sont rares au concert comme au disque et on salue avec gratitude l’attention que leur porte Pascal Gallet, en souhaitant longue vie à cet enregistrement. On peut espérer aussi que l’intérêt qu’il suscite encouragera un plus grand nombre d’interprètes vers l’œuvre de Jolivet, et tout particulièrement vers les deux Sonates pour piano et le Concerto pour piano, œuvres de grande envergure, bien injustement délaissées.


Sans entrer dans le détail des choix interprétatifs, la notice, en français et en anglais, de Mathilde Vallespir offre une analyse musicologique des deux œuvres, claire et précise, tout à fait précieuse.


Le site de Pascal Gallet
Le site de l’Association «Les Amis d’André Jolivet»


Christine Labroche

 

 

 

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