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08/07/2007 Wolfgang Amadeus Mozart: Airs extraits de Le Nozze di Figaro, Die Zauberflöte, Cosi fan tutte et Don Giovanni
Hermann Prey (baryton), Staatskapelle Dresden, Otmar Suitner (direction)
Enregistré en 1965 – 42'38
Berlin Classics 0013182BC (distribué par Intégral)
Quand on pense à Hermann Prey, on pense immédiatement à Figaro… Le baryton allemand a incarné pendant toute sa carrière ce personnage avec une dextérité vocale et une intelligence musicale qui ne sont pas encore égalées. Il fut un baryton idéal pour chanter Mozart comme le démontre ce superbe disque qui permet de retrouver le chanteur dans Figaro, le Comte, Papageno, Guglielmo, etc…
De manière générale, Hermann Prey est plus convaincant dans les rôles de valets que dans ceux des maîtres. La comparaison entre Figaro et le Comte dans les Noces est assez parlante. Dans « Se vuol ballare », Hermann Prey-Figaro exprime un certain mépris envers le Comte avec des notes alanguies (dans le récitatif), une alternance de forte et de piani. La grande scène de Figaro au dernier acte est très habilement chantée: le baryton met bien en relief les deux facettes du personnage à ce moment de l'opéra, l'homme amoureux et l'homme en colère, en apportant des couleurs vocales différentes à ces deux sentiments. Hermann Prey tente de dessiner un Comte cruel mais son phrasé, ses nuances et son timbre particulier empêchent un peu le musicien de traduire l'état d'esprit d'Almaviva à ce moment. Comme Don Giovanni, le Comte est trop gentil, pas assez diabolique. On ne peut pas dire qu'Hermann Prey ait vraiment marqué le rôle de Don Giovanni qui, à cette époque, était le monopole de Dietrich Fischer-Dieskau. Effectivement tout est très bien chanté, interprété mais il n'a pas cette pointe de noblesse racée que son collègue savait si bien donner au séducteur. Il ne manque pas de panache et de brillant dans l'Air du champagne mais il l'exécute trop calmement et sans suffisamment de folie. En revanche, il est assez étonnant dans « Meta di voi qua vadano », qu'il chante tout en mezza voce: ses notes sont sussurées, veloutées… Masetto lui convient nettement mieux. Il exprime bien la colère du paysan en s'énervant de plus en plus sur les « vengo, resta », en accentuant certains mots comme les « c » de « cavaliere ».
Le disques'ouvre avec les trois airs de Papageno où Hermann Prey se montre particulièrement brillant et inspiré. Même s'il s'agit d'un récital - et donc d'extraits enlevés de leur contexte -, l'interprétation est fine et suggestive. Le « Papagena, Papagena » est désespéré comme il le faut, surtout dans l'adieu au monde final. Le tempo adopté est très vif, ce qui souligne le caractère pressé du personnage, qui panique à l'idée d'avoir perdu sa jeune amie. La deuxième partie de l'air est chantée, au contraire, sur un tempo bien plus lent et presque solennel. Hermann Prey a la voix parfaite pour traduire la fraîcheur, la gaieté et la simplicité de Papageno dans son entrée en scène « Der Vogelfänger bin ich ja ».
Hermann Prey fut un Guglielmo exceptionnel, de nombreux témoignages sont là pour le prouver (Salzbourg, etc…). Dans cet enregistrement, il grave un air souvent coupé dans les représentations, « Rivolgete a lui lo sguardo ». Il parvient à donner un peu de corps à cet air qui, il faut bien l'avouer, se cherche un peu et peine à se développer. Le baryton ne manque pas d'humour dans l'air suivant « Donne mie la fate a tanti » qu'il interprète avec beaucoup de malice.
Le baryton est très bien accompagné par Otmar Suitner qui fait vivre Mozart et qui lui restitue son élégance: les tempi sont dynamiques, la direction ferme… Le chef parvient à raconter une histoire avec quelques notes et ce récital ne tombe donc pas dans l'écueil d'être une simple suite de beaux airs, dénués de tout sens dramatique.
Cette réédition permet de retrouver l'une des plus belles voix du XXe siècle dans quelques-uns de ses meilleurs emplois. Parti trop tôt, Hermann Prey a enregistré beaucoup d'opéras et peu de récitals, d'où l'intérêt encore plus grand de ce disque.
A noter: on peut retrouver Hermann Prey dans Le Nozze di Figaro grâce au superbe film de Jean-Pierre Ponnelle, dirigé par Karl Böhm (Deutsche Grammophon). Le baryton est entouré de Dietrich Fischer-Dieskau, Mirella Freni, Kiri te Kanawa…
Manon Ardouin
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