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06/28/2007 Robert Schumann : Concerto pour piano, opus 54
Piotr Illitch Tchaïkovski :Symphonie n° 5, opus 64 Alfred Cortot (piano), RIAS Symphonie-Orchester, Ferenc Fricsay (direction)
Enregistré à Berlin le 15 mai 1951 (Schumann) et le 24 janvier 1957 (Tchaïkovski) – 80'32
CD Audite 95.498 (distribué par Intégral)
Voici un vrai document historique : la rencontre entre Alfred Cortot et Ferenc Fricsay dans une œuvre majeure au cœur du répertoire du grand pianiste français.
Ce Concerto pour piano de Schumann offre une occasion rare de se confronter au style pianistique et musical de la génération de Cortot. L’apport de musiciens plus rigoureux et peut-être plus intérieurs n’a pas encore eu lieu. Cet enregistrement est assez comparable au fameux document de quelques minutes où Sarah Bernhardt déclame avec emphase du Racine, qui en dit long sur le jeu des acteurs de cette époque. L’extrême liberté avec laquelle Cortot varie ses tempi ou ses longues tenues de basses avec pédale auraient de quoi faire s’évanouir moult professeurs de musique de notre temps. On ne peut également qu’imaginer la difficulté qu’a du rencontrer le chef hongrois pour accompagner un soliste aussi peu prévisible et aussi cavalier avec les indications de tempo. Ajoutons qu’ainsi que le montrent les enregistrements que Cortot a réalisés plus jeune, il est assez familier du fait d’arroser le clavier de quelques fausses notes.
Il ne faut cependant pas s’arrêter à ces remarques. Cortot compense ce qu’il n’a pas en perfection technique par la beauté du phrasé ainsi que la profondeur du son. L’Intermezzo, qui ne présente pas de problèmes techniques, est de toute beauté et de façon générale, Cortot nous rappelle qu’il joue non du Liszt mais bien du Schumann, non pas une œuvre d’un virtuose mais bien celle d’un poète.
La Cinquième Symphonie de Tchaïkovski est une prise de 1957 au cours d’un concert qui marquait les dix ans de Fricsay à Berlin. Le CD contient également le discours de remerciement fait par Fricsay à cette occasion. La vision du chef hongrois est de toute beauté, loin de pathos sirupeux et d’une grande vitalité rythmique qui anticipe les choix pratiqués par Solti, autre chef hongrois, vingt ans plus tard dans son enregistrement avec son Orchestre de Chicago. Il y a quelques petits dérapages instrumentaux normaux pour une prise de concert (lettre X au premier mouvement pour les Beckmesser qui aiment écouter partition en main) ainsi qu’un changement de tempo un peu abrupt (troisième mouvement, lettre P), détails que Fricsay aurait probablement repris en studio. Mais ce sont des éléments bien triviaux devant une exécution si belle et si engagée, qui nous montre un Tchaïkovski plus moderne que d’habitude. L’orchestre fait preuve de belles couleurs, peut-être plus allemandes que russes, et la qualité instrumentale donne une idée du niveau des orchestres de Berlin des années 50. Mention spéciale au pupitre des trompettes tant exposées dans le dernier mouvement.
Ce CD, annoncé comme le premier d’une série consacrée à la diffusion de documents radio réalisés par Fricsay, démarre bien une série dont on attend la suite.
Antoine Leboyer
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