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Au-delà des promesses

Paris
Salle Pleyel
02/28/2011 -  et 17, 18, 19 février (Leipzig), 5 (Tokyo), 7 (Séoul), 11 (Taipeh), 14 (Hong Kong) mars 2011
Antonín Dvorák : Karneval, opus 92, B. 169 – Concerto pour violon, opus 53, B. 108 – Symphonie n° 7, opus 70, B. 141

Leonidas Kavakos (violon)
Gewandhausorchester Leipzig, Riccardo Chailly (direction)


R. Chailly


Vive l’Europe! L’un des deux programmes qu’un grand chef italien et un des plus illustres représentants de la tradition orchestrale allemande emmènent en tournée en Extrême-Orient durant la première quinzaine de mars, après un petit crochet par Paris, est intégralement consacré au plus célèbre compositeur tchèque, et ce indépendamment de ces célébrations d’anniversaires dont le monde musical est devenu friand. Déjà rodée à trois reprises une dizaine de jours plus tôt devant le public lipsien, cette soirée Dvorák se déroule selon l’inévitable séquence ouverture/concerto/symphonie dans une salle Pleyel où, en ce lundi soir, quelques fauteuils restent vides, alors que les vacances scolaires sont pourtant terminées et que les promesses de l’affiche sont grandes.


Elles seront plus que tenues et les absents, par conséquent, auront eu tort, tant l’Orchestre du Gewandhaus fait d’emblée forte impression: un Carnaval (1891) coruscant, qui claque fièrement, chante avec une réconfortante plénitude sonore, sans lourdeur ni épaisseur pour autant, et danse avec une vitalité inépuisable – cette vie que Dvorak évoque ici au centre d’un cycle de trois ouvertures dont les deux autres volets sont inspirés par la nature et par l’amour. D’une poigne de fer, Riccardo Chailly, Kapellmeister depuis septembre 2005, imprime sans cesse un élan supplémentaire et trouve encore des réserves pour une coda d’un irrésistible dynamisme.


Déjà venu à Paris en juin 2008 avec le Gewandhaus et Chailly à l’occasion d’une tournée durant laquelle ils donnaient le Concerto de Tchaïkovski, Leonidas Kavakos interprète cette fois-ci le Concerto (1879/1880) de Dvorák. A la hauteur de ses précédentes prestations pour ce qui est de l’exactitude et de la justesse, le violoniste grec se montre un peu plus expansif qu’à son habitude: si l’Allegro ma non troppo manque de charme et de force, l’Adagio ma non troppo dispense une certaine chaleur. Et dans le Finale, sa technique d’acier s’associe avec bonheur à un accompagnement qui exalte dans les influences folkloriques le savoureux plutôt que le débraillé. Comme en mars 2006 après le Concerto de Stravinski et comme en mars dernier après le Concerto de Beethoven, il offre l’Andante de la Deuxième Sonate de Bach: un violon sans fioritures, dépouillé à l’extrême, glacé et livide à force de lenteur et de refus du vibrato.


Après l’entracte, Chailly emporte les musiciens et les auditeurs dans une Septième Symphonie (1885) véhémente, dramatique, épique, d’une urgence de tous les instants, parfois presque violente ou hâtive (Scherzo), tout en se laissant aller à la tentation brahmsienne dans le Poco adagio – après tout, pourquoi faudrait-il y résister? Mais ce bouillonnement et cette électricité ne remettent pas en cause les qualités d’un orchestre d’exception, quoique pas absolument infaillible: des cordes d’une parfaite cohésion, des cors aux teintes mordorées, un équilibre et une homogénéité entre les pupitres cultivant une sonorité d’ensemble très fondue.


Toujours très estimé – les applaudissements prolongés lors de son entrée en scène le montraient déjà de façon éclatante – l’orchestre finit de combler les attentes des spectateurs avec deux bis tirés des huit Danses slaves de l’Opus 72 (1886/1887) pour une double démonstration: démonstration de travail collectif et de raffinement dans la Deuxième (en mi mineur), qui aurait toutefois gagné à davantage de simplicité et à moins de sentimentalisme; démonstration de virtuosité et de mise en place dans la Septième (en ut majeur), sans doute guère plus idiomatique, mais véritablement bluffante dans un tempo aussi insensé.


Le retour du Gewandhaus et de Chailly, alliance réussie entre héritage germanique et fougue latine, du 22 au 31 octobre prochain pour une intégrale des Symphonies de Beethoven couplée avec des commandes à cinq compositeurs (Carlo Boccadoro, Friedrich Cerha, Bruno Mantovani, Colin Matthews et Steffen Schleiermacher) s’annonce donc d’ores et déjà comme l’un des grands événements de la saison 2011-2012 à Pleyel.


Le site de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig



Simon Corley

 

 

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