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Synthèse Paris Salle Pleyel 01/19/2011 - et 15 janvier 2011 (Amsterdam) Ludwig van Beethoven: Symphonies n° 2, opus 36, et n° 3 «Héroïque», opus 55 Chamber Orchestra of Europe, Bernard Haitink (direction)
B. Haitink
Dans une salle Pleyel pas tout à fait aussi remplie que la veille, voici le second volet de la première partie du «cycle Beethoven» confié à Bernard Haitink: à bientôt quatre-vingt-deux ans, il se meut avec quelque prudence sur scène, mais une fois parvenu sur le podium, dirige avec son autorité et sa force coutumières, la partition restant obstinément fermée sur son pupitre. Surtout, il ne s’endort pas sur ses lauriers interprétatifs et n’hésite pas à remettre sur le métier son Beethoven, et ce avec l’un des ensembles les plus dynamiques et innovants qui soient. Mais ce serait mal connaître le chef néerlandais que de penser qu’il s’est converti sur le tard à la table rase ou même à une folle audace: si elle s’inspire indéniablement de ce que les «baroqueux» ont apporté à ce répertoire depuis plusieurs décennies, sa démarche est dépourvue de tout dogmatisme et il démontre tout au long du concert qu’il n’a en rien perdu son sens de la mesure et de l’équilibre.
De même, l’Orchestre de chambre d’Europe, s’il se présente en effectif assez restreint (quarante cordes), n’en joue pas moins sur instruments modernes (avec toutefois des timbales de petite taille) et ne s’interdit pas tout recours au vibrato: il peut ainsi rivaliser sans peine avec une formation symphonique traditionnelle tant en puissance qu’en plénitude sonore. Sans doute davantage encore que la notoriété des solistes – François Leleux au hautbois ou Romain Guyot à la clarinette – la présence parmi les musiciens du rang d’Aki Saulière, second violon du Quatuor Capuçon, ou de Tomas Djupsjöbacka, violoncelliste du Quatuor Meta4, est révélatrice du niveau de perfection que peut atteindre cette phalange d’élite, dont on ne peut déplorer que l’irrégularité du pupitre de cors.
Dès le premier mouvement de la Deuxième Symphonie (1802), le résultat de cette association s’impose par sa précision et sa finesse, sa clarté et son naturel. Et c’est bien Beethoven qu’on entend, et non pas une tardive symphonie de Haydn dans un Larghetto frais et paisible, un Scherzo pimpant à souhait puis un Finale gracieux et sans précipitation. Après l’entracte, la Troisième Symphonie (1804) est évidemment à l’avenant: attaques nettes et percutantes, mais pas brutales, tempo juste, notamment dans une «Marche funèbre» assez allante et débarrassée de ses excès de pathos, direction nerveuse mais ni raide ni saccadée, approche rigoureuse mais pas austère – il faut voir comme chacun se divertit dans un Finale à la fois jubilatoire et conquérant.
Alors qu’un autre natif de 1929, Christoph von Dohnányi avait donné en septembre dernier avec l’Orchestre de Paris une magistrale «Héroïque» réinventant la grande tradition germanique, Haitink, en opérant une synthèse de l’ancien et du moderne, s’inscrit lui aussi en fin de compte dans une autre tradition et dans la voie tracée par des précurseurs tels Weingartner, Toscanini ou Szell. Il retrouvera l’orchestre en avril puis en août à Lucerne pour la suite d’un cycle Brahms débuté la saison passée, et la seconde partie de son «cycle Beethoven» est d’ores et déjà annoncée pour les 2, 3 et 5 mars 2012 à Pleyel. Mais d’ici là, il reviendra à Paris le 18 juin avec le Symphonique de Londres dans un programme Schumann et Bruckner.
Simon Corley
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