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Tempête vénitienne sur les Champs-Elysées Paris Théâtre des Champs-Elysées 02/02/2009 - Antonio Vivaldi : Concerto pour cordes et basse continue en sol majeur RV 146 – Concerto pour cordes et basse continue en ré majeur RV 121 – Concerto pour cordes et basse continue en sol majeur RV 149 – Concerto pour deux violons en la mineur RV 523 – Concerto pour deux violons en sol majeur RV 516 – Concerto pour cordes et basse continue en ut majeur RV 114 – Concerto pour deux violons en ré majeur RV 511 – Concerto pour deux violons en ré mineur RV 514
Baldassarre Galuppi : Concerto a quattro en sol majeur Viktoria Mullova, Giuliano Carmignola (violon)
Venice Baroque Orchestra, Andrea Marcon (clavecin et direction)
Venice Baroque Orchestra (© Harald Hoffmann/Deutsche Grammophon)
Sept violons, deux altos, deux violoncelles, une contrebasse, un luth et un clavecin: petit effectif, certes, mais qui a dit que le bonheur musical ne passait que par le biais d’un orchestre philharmonique étoffé interprétant une symphonie de Bruckner ou de Mahler ? Dans la foulée de la récente parution d’un disque chez Deutsche Grammophon, le Théâtre des Champs-Elysées accueillait, accompagnés donc par un ensemble aux dimensions modestes, Viktoria Mullova et Giuliano Carmignola pour l’interprétation de quelques concertos d’Antonio Vivaldi (1678-1741).
Que doit-on admirer le plus dans les œuvres du « Prêtre roux » ? Il est vrai que, dans les 585 concertos répertoriés à ce jour (en tenant compte des incomplets et des disparus), l’imagination est foisonnante aussi bien dans l’emploi des instruments que dans les tonalités ou l’agencement rythmique. A l’écoute du très aguerri Venice Baroque Orchestra (dirigé du clavecin par Andrea Marcon, debout à l’instar de la quasi-totalité des musiciens), on ne sait aujourd’hui que privilégier entre l’éblouissement généré par la simplicité des mouvements lents et l’enthousiasme suscité par les mouvements rapides où les accélérations des violons se succèdent de façon endiablée avant de, soudain, s’interrompre, laissant ainsi planer la mélodie avant qu’elle ne soit immédiatement reprise par les violoncelles. Doit-on, au contraire, davantage s’attacher à l’opposition des atmosphères entre les improvisations hispanisantes ou le pincement douloureux des cordes du luth (tenu par le magnifique Ivano Zanenghi dont on aurait aimé voir le visage, si enjoué, si expressif, peint par Pietro Longhi ou Giovanni Battista Tiepolo) et les sons étirés des violons (notamment dans le Concerto RV 146), ou dans le dédoublement des parties jouée pour moitié avec les archets, pour moitié en pizzicati dans l’Andante du Concerto RV 149 ? Le choix est difficile et démontre, encore une fois, que Vivaldi est loin d’avoir composé cinq cents fois le même concerto contrairement à ce que veulent bien dire ceux qui ne l’ont jamais écouté.
Si les concertos pour cordes furent de la plus belle facture, le public attendait néanmoins en premier lieu les concertos pour deux violons qui permettaient à Viktoria Mullova et Giuliano Carmignola de mettre en valeur tant leur technique que leur musicalité. Vivaldi a composé vingt-six concertos pour deux violons, cordes et basse continue (numérotés RV 505 à RV 530), outre de nombreux concertos pour deux violons et d’autres instruments (flûte à bec, violoncelle, chalumeau, hautbois…). La sélection était donc difficile à effectuer. Cintrée dans une robe dont les motifs rappellent au choix la peau d’un tigre ou celle d’un zèbre, Viktoria Mullova, dont les affinités avec Antonio Vivaldi ne sont plus à démontrer depuis la parution de son mémorable disque avec Il Giardino Armonico (Onyx), précède l’arrivée sur scène de Giuliano Carmignola, depuis longtemps rompu aux charmes de la musique baroque, notamment italienne. La confrontation de deux solistes de cette trempe peut facilement tourner à l’affrontement stérile, chacun essayant de tirer la couverture à soi : ce soir, rien de tel. L’entente est parfaite et la complicité totale même si, comme à son habitude, Viktoria Mullova semble froide et distante, certains petits sourires trahissant tout de même un indéniable plaisir à jouer ce répertoire. Après que le Concerto RV 523 s’est conclu par un flamboyant troisième mouvement, le Concerto RV 516 offre l’image (simpliste certes) du couple : lui, bravache, altier, impose son discours avant qu’elle, plus timide dans la répartie, plus douce également dans le son et les attaques, ne reprenne les propos de son partenaire. On admire à chaque instant l’entremêlement des phrases, la reprise par l’un des solistes du jeu de l’autre, qui se concrétise d’ailleurs par un parfait parallélisme des gestes, le tout nimbé dans une incroyable musicalité. Si l’on peut considérer que le Concerto RV 516 illustre le couple, le Concerto RV 511 donne plutôt l’image de deux fauves (ce qui permet, par la même occasion, de donner une réponse à la question que pouvait précédemment susciter la robe de Viktoria Mullova) qui tantôt se jaugent, se mesurent et s’affrontent, tantôt jouent ensemble comme deux cabotins. Enfin, le Concerto RV 514, de tonalité plus endiablée, plus galante aussi, illustre une dernière fois la virtuosité que Mullova et Carmignola manifestent notamment dans les aigus, d’une limpidité toute cristalline.
Le sens de l’imagination et les virtuosités en tous genres caractérisent les concertos d’Antonio Vivaldi : le génie éclate et, malheureusement pour lui, éclipsa quelque peu l’anodin Concerto a quattro de Baldassarre Galuppi dont l’Allegro renvoie d’ailleurs davantage aux Concerti grossi de l’Opus 6 de Haendel qu’aux tonalités de son éminent complice vénitien.
Le site de Viktoria Mullova
Sébastien Gauthier
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