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Quand les Templiers prennent Salzbourg Salzburg Grosses Festspielhaus 08/27/2016 - et 30 août 2016 Otto Nicolai : Il templario Juan Diego Flórez (Vilfredo d’Ivanhoe), Luca Salsi (Briano di Bois Guilbert), Clémentine Margaine (Rebecca), Kristiane Kaiser (Rovena), Adrian Sâmpetrean (Cedrico il Sassone), Armando Pina (Luca di Beaumanoir), Franz Supper (Isacco di York)
Salzburger Bachchor, Alois Glassner (préparation), Wiener Philharmoniker, Andrés Orozco-Estrada (direction musicale)
(© Salzburger Festspiele/Marco Borrelli)
Juan Diego Flórez découvre un jour par hasard une partition inconnue d’Otto Nicolai, Il templario (Le Templier), qui contient des pages pour ténor extrêmement aiguës, mais très virtuoses. Sans trop de peine, le chanteur réussit à convaincre l’Orchestre Philharmonique de Vienne d’exhumer l’ouvrage. Les Viennois savent en effet tout ce qu’ils doivent au compositeur, qui est à l’origine de la fondation de l’orchestre en 1842. Né en Prusse en 1810, Otto Nicolai s’installe d’abord en Italie tant il admire Bellini et Verdi, qui sont ses modèles. Il compose cinq opéras « italiens », dont Il templario, créé en 1840 à Turin avec un succès retentissant. Les échos du triomphe de Nicolai arrivent jusqu’à la cour impériale de Vienne, qui décide d’appeler le compositeur pour le nommer à la tête de l’Opéra. On peut donc dire que sans la réussite de Il templario, le Philharmonique de Vienne n’existerait tout simplement pas ! Quelques années plus tard, en 1849, Nicolai composera dans la capitale autrichienne son ouvrage lyrique le plus connu, Les Joyeuses Commères de Windsor.
Comme souvent à l’opéra, le livret de Il templario est touffu et truffé d’invraisemblances. L’action se situe en 1190 sur les côtes anglaises, au temps des croisades et des templiers ; deux histoires d’amour se déroulent en parallèle, l’une qui finit bien, l’autre mal, sur fond de relation père-fils contrariée. Les faiblesses du livret expliquent peut-être pourquoi le Festival de Salzbourg a choisi de présenter l’ouvrage en version concertante. La partition, d’inspiration clairement belcantiste, contient de nombreux airs de bravoure pour les chanteurs, mettant en valeur les caractéristiques de chaque tessiture, à côté de passages plus symphoniques. Les numéros sont bien découpés, reliés par des récitatifs accompagnés par l'orchestre. D’une manière générale, la musique est très emphatique, parfois grandiloquente, et paraît peu contrastée et nuancée. A moins que la direction énergique et bruyante d’Andrés Orozco-Estrada ne fausse le jugement. Quoi qu’il en soit, cette exhumation aurait mérité un traitement orchestral plus subtil et inspiré.
La distribution vocale ne laisse, elle, pratiquement rien à désirer. Comme à son habitude, Juan Diego Flórez est un modèle de style et de technique belcantistes, avec un chant à la fois ardent et nuancé. Son timbre a pris de l’ampleur et ses aigus atteignent avec éclat et précision des sommets stratosphériques. Sa prestation mérite à elle seule l’exhumation de l’œuvre. Dans le rôle du « méchant », le baryton Luca Salsi ne lui cède cependant en rien, avec un superbe « legato », des accents mordants et un chant très expressif. Remplaçant Joyce DiDonato, la Française Clémentine Margaine offre une prestation en demi-teinte : si on ne peut qu’admirer sa belle voix ample et ronde de mezzo dramatique, très bien projetée, on reste par contre dubitatif sur sa tendance à vouloir tout chanter « fortissimo ». Même dans les duos avec Flórez, elle ne prend pas la peine de s’inspirer de son illustre collègue. Si elle s’annonce moins exotique que Il templario, la prochaine incursion du célèbre ténor péruvien en terres peu connues est néanmoins attendue avec impatience : Les Huguenots de Meyerbeer à Berlin en novembre.
Claudio Poloni
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