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07/09/2012 Ludwig Spohr : Concertos pour clarinette n° 1 en ut majeur, opus 26, n° 2 en mi bémol majeur, opus 57, n° 3 en fa mineur, WoO 19, et n° 4 en mi mineur, WoO 20
Orchestre de chambre de Lausanne, Paul Meyer (clarinette et direction)
Enregistré à la Salle Métropole de Lausanne (4-6 janvier 2012) – 92’13
Album de deux disques Alpha 605 (distribué par Outhere) – Notice bilingue d’une rare exhaustivité (français et anglais) de Jean-Marie Paul
Must de ConcertoNet
Quelle idée a eue Louis Spohr (1784-1859) de vouloir être l’ami de Ludwig van Beethoven et de souhaiter devenir violoniste virtuose alors que l’Europe était alors dominée par un certain Niccolo Paganini? Autant de raisons peut-être pour lesquelles il reste encore aujourd’hui un compositeur assez confidentiel. Si ses opéras (Faust ou Jessonda par exemple) sont presque totalement oubliés, il n’en est pas de même de son Huitième Concerto pour violon «In modo di scena cantate» sa musique de chambre que l’on voit jouée ou enregistrée sporadiquement ici ou là, et moins encore de ses concertos pour clarinette. Depuis Mozart, la clarinette a été l’objet de multiples attentions de la part de nombreux compositeurs de cette première moitié du XIXe siècle (on pense bien évidemment à Carl Maria von Weber et Carl Stamitz mais aussi à Franz Krommer, Heinrich Baermann, resté célèbre pour avoir imposé la position actuelle du bec de l’instrument, l’anche étant posée sur la lèvre inférieure du musicien, ou Bernhard Henrik Crusell) qui, touchés par ses sonorités veloutées et l’accroissement de ses possibilités techniques (notamment grâce au système Boehm de 1839), ont multiplié les occasions d’écrire des concertos pour clarinette.
Louis Spohr en a composé quatre, dont seul le premier a été édité de son vivant. Jusqu’à aujourd’hui, leur discographie était réglée de façon assez simple: si l’on exceptait les enregistrements réalisés par Ernst Ottensamer chez Naxos (handicapés par un orchestre prosaïque au possible), les amateurs chérissaient tout naturellement les deux disques gravés au début des années 1980 par Karl Leister chez Orfeo, sous la baguette cette fois-ci avisée de Rafael Frühbeck de Burgos. Or, le nouveau venu, Paul Meyer, règle ici définitivement et, à notre sens, pour longtemps la question de la référence de ces œuvres.
Passons rapidement sur l’aspect technique: la question ne se pose tout simplement pas, Paul Meyer enchaînant les traits (qui avaient tant effrayé à l’époque) avec une facilité qui vous décourage de jouer un jour, de nouveau ou pour la première fois, de la clarinette. Les attaques dans les suraigus sont d’une netteté et d’une pureté tout simplement admirables (dans le deuxième mouvement du Deuxième Concerto à 2’05!), la vélocité des doigts est exemplaire et sans anicroche, le jeu des contretemps est incroyable, l’art du détaché est du plus haut niveau. Bref, tout y est! Quant à la musicalité, elle est également présente à chaque instant et sait parfaitement s’adapter aux circonstances. Rien de commun ainsi entre les moments enjoués que sont les troisièmes mouvements guillerets des Premier et Deuxième Concertos et le caractère péremptoire, aux couleurs relativement inquiétantes, du premier mouvement du Troisième. Jouant sur une clarinette Buffet-Crampon, Paul Meyer sait comme personne diversifier les climats, sachant idéalement respirer, relançant ainsi les phrases de manière à faire exploser leur dimension concertante et brillante. L’Orchestre de chambre de Lausanne est lui aussi excellent et s’affirme comme un partenaire de tout premier ordre. Les cordes sont véloces (l’introduction de l’Allegro moderato du Troisième Concerto) ou d’une douceur exquise (l’Adagio du même concerto, d’un lyrisme étonnant), la petite harmonie ou les cors d’une finesse imparable. On en redemande.
On l’aura compris: voici la version qu’il faut avoir des Concertos pour clarinette de Spohr, preuve que dans la famille des compositeurs pour clarinette, il n’y a pas que Mozart, et que chez les Meyer, il n’y a pas que Sabine.
Le site de Paul Meyer
Le site de l’Orchestre de chambre de Lausanne
Sébastien Gauthier
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